10. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Dresde, 14 octobre 1763.
Sire,
J'ai reçu avec la plus parfaite reconnaissance les témoignages de bonté et de confiance que V. M. a bien voulu me donner par sa lettre du 8. La malheureuse prévention de la Russie contre nous, que V. M. paraît craindre, m'affligerait vivement, si je ne me flattais que, ne pouvant être personnelle, nous pourrons parvenir à la détruire d'autant plus aisément, que nous sommes prêts à nous désister de tout ce qui a donné lieu aux brouilleries de cette cour avec feu le Roi. Nous avons non seulement envoyé sur-le-champ un courrier en Russie pour notifier la mort de feu le Roi, mais nous avons en même temps demandé les bons offices <50>de l'Impératrice pour lui succéder, et avons donné à connaître que nous nous prêterons à ce sujet à tout ce qui peut lui être agréable. Nous comptons, de plus, y envoyer dans peu de jours un ministre avec des instructions plus amples, pour rechercher l'appui de cette cour, par laquelle nous désirons préférablement de réussir, si nous avons du reste fait les démarches pour faire connaître aux Polonais notre désir d'être élus. Nous les avons fait connaître à tous également, sans prétendre faire ni parti ni cabale. Nous ne voulons la couronne que par les bons offices des cours qui voudront bien s'intéresser pour nous, et du libre choix de la nation, et ne pensons pas à l'obtenir à la pointe de l'épée. Notre propre situation, l'exemple d'une aussi longue et aussi funeste guerre pour notre patrie, est un sûr garant de l'éloignement que nous avons d'être une occasion d'en rallumer le flambeau. Par conséquent je me flatte que V. M. ne trouvera pas les démarches que nous avons faites hasardées. Quant aux démêlés de l'impératrice de Russie avec le duc de Courlande, elle peut compter que nous ne nous en mêlerons point, et qu'en cas que nous réussissions, par l'assistance de la Russie, à obtenir la couronne, nous nous prêterions à tout pour faire, d'accord avec elle, un établissement au Duc, qui lui fasse oublier sa Courlande.
Voilà, en général, des sentiments que je crois que V. M. pourrait bien faire passer en Russie sans se compromettre, aussi bien que notre bonne volonté en faveur de tous ceux que l'Impératrice protége. Si elle a pour moi les bontés dont elle me flatte, elle est toujours à même de me le prouver en cette occasion. Malgré ce qu'elle veut bien me dire, je compte sur ces mêmes bontés. Me tromperais-je? Non, Sire; vous n'êtes pas capable de changer de sentiments envers celle qui vous sera le plus sincèrement attachée tout le temps de sa vie.
J'ai l'honneur d'être, etc.