50. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Dresde, 25 octobre 1765.
Sire,
Si Votre Majesté s'engage à faire jouir madame de Zehmen, après sa mort, du même bénéfice que sa devancière, elle risquera de devenir à la fin tributaire des mânes de mes grandes maîtresses. Il serait assez singulier qu'un monarque protestant fondât un fidéicommis spirituel à l'honneur de la confession catholique romaine. Quoi qu'il en soit, la distinction dont V. M. honore leur mémoire en récompense de leur affection pour moi est un précieux témoignage de ses bontés, qui me pénètre de reconnaissance. Le feu, Sire, est l'âme de la nature, le principe de toutes les belles productions; c'est l'élément des Muses et des beaux génies, ce doit être le vôtre. Il réjouit, il excite l'imagination au coin d'une cheminée; qu'il vous échauffe, Sire, dans votre cabinet, qu'il nourrisse des pensées sublimes; tout le monde en sera content. Dès que ces pensées sont pacifiques, j'admire les réflexions de V. M. sur la guerre; j'en chéris la morale, et, ne pouvant aussi bien l'exprimer que vous, Sire, je ferai chorus avec joie, en répétant vos paroles : Que les coffres des grandes puissances demeurent vides, s'ils ne peuvent se remplir sans mettre la paix en danger. Mais que la paix soit moins l'ouvrage de l'épuisement que celui de l'humanité; elle en sera plus solide et plus durable; nous pourrons avec plus de sécurité et d'agréments cultiver les sciences et les arts. Qu'ils fassent longtemps, Sire, vos glorieux délassements. En les encourageant selon mon pouvoir, je suivrai de loin votre exemple. Je ne puis me proposer un plus beau modèle. Il serait vain à moi, Sire, de prendre au <97>pied de la lettre vos paroles trop obligeantes; mais le principe m'en est trop précieux; je ne veux jamais le révoquer en doute. Veuillez de même être bien persuadé de mes sentiments, et de la haute considération avec laquelle je suis, etc.