<106>d'amitié; mais l'instant d'après il retombait dans son accablement, car il était presque toujours assoupi; il ne se réveillait que pour se plaindre, et pour dire qu'il était venu mourir à Varis. L'abbé Mignot son neveu, conseiller au grand conseil, alla trouver le curé de Saint-Sulpice, qui lui dit que puisque M. de Voltaire n'avait pas sa tête, il était inutile qu'il l'allât voir; mais qu'il lui déclarait que si M. de Voltaire ne faisait pas une réparation publique et solennelle, et dans le plus grand détail, du scandale qu'il avait causé, il ne pouvait en conscience l'enterrer en terre sainte. Le neveu eut beau lui répondre que son oncle, dans le moment où il jouissait de toute sa raison, avait fait une profession de foi dont lui curé avait reconnu l'authenticité, qu'il avait toujours désavoué les ouvrages qu'on lui imputait, qu'il avait cependant poussé la docilité pour les ministres de l'Église jusqu'à déclarer que s'il avait causé du scandale, il en demandait pardon; le curé répondit que cela ne suffisait pas, que M. de Voltaire était notoirement connu pour ennemi déclaré de la religion, et qu'il ne pouvait, sans se compromettre avec le clergé et avec M. l'archevêque, lui accorder la sépulture ecclésiastique. L'abbé Mignot le menaça de s'adresser au parlement pour avoir justice, qu'il espérait d'obtenir avec les pièces authentiques qu'il avait en main; le curé, qui se sentait appuyé, lui dit qu'il en était le maître. Tous les amis de M. de Voltaire étaient d'avis que sa famille employât les voies juridiques; on disait hautement que les magistrats qui avaient tant lait administrer et enterrer de jansénistes ne pourraient, en bonne justice, refuser la même grâce à M. de Voltaire, après la déclaration qu'il avait faite. Malgré ces représentations, la famille eut peur du parlement, qui, n'aimant pas M. de Voltaire, à cause des épigrammes dont cette compagnie a souvent été l'objet dans ses ouvrages, aurait pu en cette occasion ne lui être pas favorable. Le public ne pensait pas ainsi, et soutenait que le parlement aurait été forcé en cette circonstance par la voix publique, malgré toute la mauvaise volonté qu'il pouvait avoir; il y avait d'ailleurs un grand nombre de magistrats, surtout parmi les jeunes gens, et quelques-uns même parmi les vieillards, qui paraissaient très-bien disposés. Malgré toutes ces représentations, la crainte des parents fut