<179>Je m'en rapporte entièrement à V. M. sur le jugement qu'elle a porté de ce M. Mayer dont j'avais eu l'honneur de lui parler. On m'en avait écrit des merveilles, et je les avais crues assez facilement pour demander à V. M. si elle connaissait cet homme de lettres. Me voilà maintenant bien instruit de ce qu'il vaut, et parfaitement tranquille sur le parti que V. M. voudra prendre à cet égard. Je crois volontiers que les littérateurs allemands sont encore bien malades de cette indisposition que V. M. appelle si plaisamment une diarrhée de paroles. Il leur suffirait d'entendre ou plutôt d'écouter plus souvent et plus attentivement V. M., pour apprendre d'elle à ne dire que ce qu'il faut, et comme il le faut.
Ce précepte si sage, Sire, m'avertit de finir moi-même tout mon bavardage philosophique et littéraire; je le termine mieux qu'il n'a commencé, en renouvelant à V. M. l'hommage des sentiments profonds de reconnaissance, de vénération et de tendresse avec lesquels je serai jusqu'au tombeau, etc.
232. A D'ALEMBERT.
Le 13 avril 1781.
La nature a voulu que la santé et l'espérance fussent nos introducteurs dans le monde, pour nous faire illusion sur les maux qui nous attendent; et, par une précaution outrée, cette même nature craignant que nous ne fussions trop attachés à cette maudite vie, elle nous envoie les maladies et les infirmités, pour que nous y renoncions avec moins de regret. Nous sommes tous les deux compris dans cette dernière classe; chaque jour nous faisons des pertes, et nous envoyons notre gros bagage prendre les devants,a assurés de le suivre dans peu. Cette goutte dont j'ai été incommodé, je m'en suis délivré par l'abstinence et par le régime. A présent je n'y pense plus, quoique je me prépare à
a Voyez t. XXIII, p. 407, et t. XXIV, p. 297.