<18>leurs et des cordonniers sont des virtuoses qu'on recherche dans ce pays, faute d'en avoir. J'établis à présent cent quatre-vingts écoles tant protestantes que catholiques, et je me regarde comme le Lycurgue ou le Solon de ces barbares. Imaginez-vous ce que c'est : on ne connaît point le droit de propriété dans ce malheureux pays; pour toute loi, le plus fort opprime impunément le plus faible. Mais cela est fini, et on y mettra bon ordre à l'avenir. Les Autrichiens et les Russes ont trouvé chez eux la même confusion. Ce ne sera qu'avec bien du temps et une meilleure éducation de la jeunesse qu'on parviendra à civiliser ces Iroquois.

Tassaert est arrivé. Je ferai ce qui sera possible pour le contenter, surtout en faveur de votre recommandation. A présent qu'une partie de mes tournées est achevée, je me rejette à tète baissée au milieu des lettres, seul vrai aliment de l'esprit, et seuls amusements dignes des êtres qui forment quelques prétentions à la raison : car, dans le fond, il me semble que nous n'en avons que fort peu. Adieu, mon cher Anaxagoras; vous feriez une œuvre bien méritoire, si vous pouviez vous déterminer un jour à venir visiter l'ermite de Sans-Souci. Cependant je ne vous presse point. Vous vivez dans un pays où il faut tant de considérations, de considérations, de considérations, qu'un secrétaire perpétuel de l'Académie n'y l'ait pas tout ce qu'il veut. Sur ce, etc.

158. DE D'ALEMBERT.

Paris, 10 juillet 1775.



Sire,

Un m'avait alarmé beaucoup, il y a peu de temps, sur la santé de V. M.; j'avais couru sur-le-champ chez M. le baron de Goltz, qui m'avait rassuré par les nouvelles toutes récentes qu'il avait reçues. La dernière lettre que V. M. a eu la bonté de m'écrire a dissipé tout à fait mes inquiétudes, et m'a prouvé que non seulement V. M. jouissait d'une santé parfaite, mais de cette gaîté qui