<182>ils auraient épargné de sang et de malheurs à la sotte et déplorable espèce humaine! Voilà un évêque d'Amiens, fanatique successeur de celui qui a demandé le supplice du chevalier de La Barre, voilà, dis-je, cet évêque d'Amiens, nommé Machault, fils de l'ancien contrôleur général des finances, qui vient de donner un mandement forcené contre l'édition qu'on prépare des œuvres de Voltaire. Si on savait, en France, imposer silence à ces sonneurs de tocsin, ils n'auraient ni partisans, ni imitateurs. Peut-être à la fin sentira-t-on la nécessité de les réprimer pour l'honneur de la raison et le repos public. Dieu veuille qu'on y suive votre exemple!
Il me semble que l'empereur d'aujourd'hui traite un peu lestement les prêtres, les moines et le pape. Il faut espérer que cette première hostilité impériale aura des suites plus sérieuses. Ainsi soit-il!
Je suis avec la plus tendre et la plus profonde vénération, etc.
234. A D'ALEMBERT.
Le 28 mai 1781.
Quand on frise la soixante et dixième année, on doit être prêt à décamper aussitôt que le boute-selle sonne; quand on a vécu longtemps, on doit connaître le néant des choses humaines, et, lassé de ce flux et reflux de maux et de biens qui se succèdent sans cesse, on doit quitter la vie sans regret. Quand on n'est point ce qu'on appelait autrefois hypocondre, et qu'on nomme maintenant avec beaucoup plus d'élégance vaporeux, on doit envisager gaîment le terme qui met fin à nos sottises et à nos tourments, et se réjouir que la mort nous délivre de ces passions qui nous damnent. Après avoir mûrement réfléchi sur ces graves matières, je compte de conserver ma bonne humeur tant que durera ma chétive et frêle machine, et je vous conseille d'en faire