243. DE D'ALEMBERT.
Paris, 26 octobre 1781.
Sire,
J'ai l'honneur de présenter à Votre Majesté la lettre et les ouvrages du professeur qui a formé par ses leçons le jeune élève dont V. M. a daigné récompenser les talents. Ce professeur, Sire, partage avec son jeune disciple la reconnaissance, l'admiration et la tendre vénération que V. M. inspire depuis si longtemps à tous ceux qui pensent. Il serait infiniment flatté que V. M. goûtât assez ses productions pour le juger digne d'être au nombre des associés étrangers de votre illustre et savante Académie. Si V. M. daigne lui accorder cette grâce, il serait en état d'envoyer quelquefois à cette compagnie des mémoires intéressants sur la littérature. Celte récompense qu'il obtiendrait de vous, Sire, tant pour ses propres talents que pour avoir contribué à faire éclore des talents naissants, serait pour l'université dont il est membre un objet de reconnaissance et d'émulation tout à la fois. Je prends la liberté, Sire, de joindre mes prières à celles de M. Sélis (c'est le nom de ce professeur) pour réclamer cette laveur de V. M.
Je suis avec le plus profond respect, etc.
244. DU MÊME.
Paris, 26 octobre 1781.
Sire,
Je commence par mettre aux pieds de Votre Majesté la reconnaissance du jeune étudiant qu'elle a bien voulu honorer de ses bontés. Vous trouverez, Sire, l'expression de cette reconnaissance dans la lettre que ce jeune homme a l'honneur d'écrire à V. M., et qu'il m'a remise il y a deux jours, au retour de ses vacances. Sa pauvre famille, ses maîtres, l'université de Paris, dont il est l'élève, partagent, Sire, tous les sentiments dont ce jeune homme est pénétré pour les bontés de V. M., et répètent avec lui, après Horace, le souhait qu'il fait, que V. M. aille le plus tard qu'il sera possible rejoindre dans l'Olympe les Auguste et les autres princes protecteurs des lettres, et qu'elle borne longtemps son bonheur à être appelée père encore plus que prince.a
Je félicite d'avance la philosophie, conjointement et de concert avec V. M., des beaux jours qu'elle verra luire peut-être quand je ne serai plus, mais dont je ne désespère pas cependant que V. M. et moi ne voyions au moins l'aurore, tant il me semble que le César fouette rudement les chevaux ou les ânes qui tirent la voiture pontificale, dont la charpente mal assemblée menace de se briser bientôt. On dit que le saint-siége commence à être inquiet et à voir que l'affaire est sérieuse. Encore une fois, Sire, c'est à V. M., tout hérétique qu'elle est, que l'Allemagne et les autres peuples auront celte obligation, par le bel exemple qu'elle a donné aux princes, catholiques et autres, de la tolérance à la fois et du mépris pour toutes les superstitions humaines. Ce qui vaut encore mieux, Sire, et pour l'Allemagne, et pour l'Europe, c'est la gaîté si philosophique et si charmante avec laquelle V. M. pense, écrit et parle, parce que cette gaîté annonce en elle un principe de vie encore très-animé, et que tout ce qui pense en ce bas monde, j'oserais presque dire tout ce qui respire, au moins en Europe, a besoin de votre conservation. Pour moi, dont la frêle et chétive existence n'est malheureusement nécessaire à personne, j'imite autant que je puis l'exemple si bon à suivre de V. M., de rire de toutes les sottises, grandes et petites, qui se disent et qui se font dans ce bas monde, et j'éprouve que ma santé s'en trouve mieux.
Je connais assez M. Dubois, et depuis assez longtemps, pour assurer V. M. que c'est un homme de lettres instruit, versé dans l'histoire ancienne et moderne, qui a des connaissances du droit public, et qui a vu différentes parties de l'Europe. J'ai tout lieu de croire aussi que c'est un homme de bonnes mœurs et de bonne conduite, dont V. M. aurait sujet d'être satisfaite dans les diffé-
a Hic ames dici Pater atque Princeps.