<209>grès de la raison, les prêtres conservent encore ailleurs que dans les États autrichiens un crédit bien nuisible aux lumières. V. M. croira-t-elle que l'archevêque de Paris, qui, par parenthèse, se meurt en ce moment d'hydropisie, a demandé et obtenu que, dans les pièces de théâtre nouvelles, le mot de prêtres ne fût pas prononcé? car la conscience de ces gens-là les persuade qu'on parle d'eux quand on dit du mal des prêtres d'une autre religion. Ils ressemblent à ce valet de comédie ivre, qui, entendant prononcer le mot de maraud, dit naïvement : « Maraud! Voilà quelqu'un qui me connaît. »a On vient de retrancher dans une pièce nouvelle dont la scène est au quatorzième siècle, du temps de l'empereur Louis de Bavière et de Jean XXII, ce vers :

Le sacerdoce altier lutte contre l'Empire,

quoiqu'il n'exprime qu'un fait malheureusement trop vrai dans ces siècles déplorables. Ainsi, quoique notre jeune, sage et vertueux monarque n'accorde aux prêtres aucune confiance, quoiqu'il connaisse tout le mal que cette engeance peut faire, on abuse indignement de son autorité pour cacher au peuple, s'il est possible, que les prêtres ont été longtemps les plus grands ennemis des rois, et qu'ils le sont même encore; car quand ils disent que l'autorité royale vient de Dieu, c'est parce qu'ils croient représenter l'Être suprême, et par là mettre des entraves, s'ils le peuvent, à l'autorité la plus légitime, quand elle sera contraire à leurs vues. J'apprends qu'en Espagne on vient de brûler, il y a six mois, une malheureuse femme pour hérésie de quiétisme. Quelle horreur et quelle imbécillité tout à la fois! Aussi l'Espagne croupit-elle dans la plus méprisable ignorance. Les succès de cette nation devant Gibraltar en sont la triste preuve.

J'ai lu à M. Dubois la réponse que V. M. m'a fait l'honneur de m'adresser à son sujet. Il en est pénétré de reconnaissance; mais quoiqu'il sente bien que V. M. ne peut lui promettre de l'employer sans l'avoir auparavant mis à l'épreuve, la crainte de ne pouvoir, après cette épreuve, convenir à V. M., et la situation où le mettrait ce malheur, ne lui permet pas de faire les


a Ce mot est dans la Sérénade, comédie en un acte et en prose, par Regnard (1694), scène XXIII.