<225>que lui a causé le mauvais livre de physique qu'on s'est avisé de lui envoyer comme de ma part. Elle doit avoir reçu un autre livre que j'ai eu l'honneur de lui envoyer, mais en l'avertissant bien que ce livre n'était pas fait pour être lu par elle, et que c'était seulement un hommage de l'université de Paris, pleine d'admiration pour le monarque philosophe, et de reconnaissance pour l'encouragement qu'il a bien voulu donner à un de ses élèves.
Je suis avec le plus profond et le plus tendre respect, etc.
256. A D'ALEMBERT.
Le 18 mai 1782.
Il m'arrive comme à vous d'admirer la morale des stoïciens, et de m'affliger de ce que leur sagea si respectable n'est qu'un être de raison. C'est bien à ce sujet qu'on peut appliquer ce beau vers de Voltaire :
Tes destins sont d'un homme, et tes vœux sont d'un dieu.bQuelque amour que nous ayons pour le bien de l'humanité, aucun législateur, aucun philosophe ne changera la nature des choses. Notre espèce a dû être probablement telle que nous la connaissons, un bizarre assemblage de quelques bonnes et de quelques mauvaises qualités. L'éducation et l'étude peuvent étendre la sphère de nos connaissances, un bon gouvernement peut former des hypocrites qui arborent le masque de la vertu; mais jamais on ne parviendra à changer la trempe de notre âme. Je regarde l'homme comme une machine mécanique assujettie aux ressorts qui la dirigent; et ce qu'on appelle sagesse ou raison n'est que le fruit de l'expérience, qui influe sur la crainte ou sur l'espérance qui déterminent nos actions. Ceci, mon cher Anaxagoras, est un peu humiliant pour notre amour-propre; par mal-
a Voyez ci-dessus, p. 38.
b Voyez t. X, p. 108.