<243>et j'attends le moment de mon départ sans crainte de l'avenir et avec une entière résignation. Pour vous, je vous dispute le pas, et comme avant vous je suis venu au monde, je prétends en sortir avant vous, vous assurant que, tant que je serai en vie, je ferai des vœux pour votre contentement. Sur ce, etc.

263. DE D'ALEMBERT.

Paris, 13 décembre 1782.



Sire,

J'ai prié M. le baron de Goltz de faire à Votre Majesté mes très-humbles excuses si je n'avais pas l'honneur de répondre plus tôt à la charmante lettre que j'ai reçue d'elle, en date du 30 octobre dernier. Ces excuses, Sire, ne sont, malheureusement pour moi, que trop légitimes. J'ai cruellement souffert de ma maudite vessie durant une assez grande partie du mois de novembre; je ne ferai point à V. M. l'ennuyeux détail de mes douleurs; il me suffira de lui dire qu'elles sont fort diminuées, et que je profite du premier moment où elles me permettent d'écrire, pour renouveler à V. M. l'hommage de ma respectueuse reconnaissance et de tous les autres sentiments que je lui dois à tant de titres, et que je lui ai voués depuis si longtemps. Les réflexions de V. M. sur toutes les misères auxquelles la nature humaine est sujette, et sur le contraste de ces misères avec notre pitoyable et ridicule vanité, sont bien dignes d'un roi philosophe qui plane d'en haut sur toutes les sottises de notre espèce, et mériteraient d'être signées Marc-Aurèle Frédéric. Je plains pourtant V. M., si elle commence, comme elle le prétend, à perdre la mémoire; il y a longtemps que j'ai commencé à la perdre aussi; mais la mémoire est plus indispensable à un prince qu'à un pauvre individu obscur et isolé. Puisse la nature, Sire, vous la conserver et pour vous, et pour tant d'êtres à qui vous êtes nécessaire, et puisse-t-elle en même temps vous épargner ces douleurs de goutte que je