<250>vient de Dieu qu'afin de se soumettre plus habilement et plus facilement les rois mêmes; leur petit syllogisme ou sophisme sera bientôt fait. Vous tenez, diront-ils aux rois, votre puissance de Dieu; il pourra donc vous l'ôter quand il lui plaira; or c'est nous, ministres du Dieu vivant, qui annonçons sur la terre ses volontés. C'est donc de nous que votre pouvoir dépend. Tel a été le raisonnement des Grégoire VII et des Innocent IX; et tel sera toujours l'argument de la cohorte sacerdotale, quand les rois et les sots peuples voudront bien l'écouter. J'ai été aussi affligé qu'indigné de l'incroyable démence et sottise de l'auteur du Système de la nature, qui, bien loin de montrer les prêtres pour ce qu'ils sont, les véritables, les seuls, les plus redoutables ennemis des princes, les représente au contraire comme les appuis et les alliés de la royauté. Jamais peut-être la philosophie n'a dit une absurdité plus bête, ni une fausseté plus notoire, quoiqu'elle ait été en bien d'autres occasions menteuse et absurde. Si je l'avais osé, j'aurais réfuté par écrit, avec toute la force dont je suis capable, cette bêtise si préjudiciable aux rois et aux philosophes. Mais les prêtres auraient trouvé moyen de faire supprimer mes réflexions, tant ils ont en France de crédit, malgré tout le mal qu'ils y font et toutes les impertinences qu'ils y débitent.
Je lis actuellement une traduction d'Euripide, faite par un membre de l'Académie de Berlin;a cet ouvrage me paraît estimable; on m'a dit que V. M. en pensait de même, et je me félicite d'être de son avis.
Je suis avec la plus tendre vénération, etc.
a M. Pierre Prévost, né à Genève le 3 mars 1751, fut nommé en 1780, après la mort de M. Sulzer, professeur à l'Académie des nobles (t. IX, p. 92 et 94), et membre de l'Académie des sciences de Berlin, classe de philosophie spéculative. Le 3 avril 1784, il obtint un congé pour aller voir ses parents. Pendant qu'il était à Genève, une chaire y devint vacante; on la lui offrit, et il l'accepta avec l'agrément du Roi.