<33>qui peut-être ne serait pas difficile. On m'a dit aussi que M. Michaelis,b de Göttingue, avec lequel je n'ai d'ailleurs aucune relation, mais qui est un savant très-distingué, et que V. M. désirait, il y a douze ans, d'attirer à Berlin, serait aujourd'hui plus disposé à cette transplantation, par quelques dégoûts qui diminuent son attachement pour le pays de Hanovre. C'est encore un avis que mon zèle seul me dicte, et dont V. M. fera l'usage qu'elle jugera à propos, suivant sa sagesse et ses lumières.

Je reçus il y a quelques jours, Sire, une lettre de madame la marquise d'Argens, qui me paraît pénétrée de douleur du mécontentement que lui a, dit-elle, marqué V. M. de ce que le mausolée de son mari est à Aix, et non pas à Toulon. Elle me mande que l'évêque de Toulon n'a pas voulu que ce monument fût érigé dans son diocèse, quoique la manière dont est mort le marquis, muni des sacrements de l'Eglise romaine, ait dû calmer les scrupules des âmes les plus timorées. Sa veuve n'aurait pu, ce me semble, opposer de résistance à cette vexation sans avoir contre elle toute la horde des pénitents bleus, blancs, rouges, etc., dont ce malheureux pays est inondé, et sans compromettre en quelque sorte V. M. vis-à-vis des prêtres provençaux, qui ne valent pas mieux que les autres, et qui, grâce à leur soleil, sont encore plus près de la folie et des sottises.

Nos évêques viennent de demander au Roi que les enfants des protestants soient déclarés bâtards, et que les vœux monastiques puissent se l'aire à seize ans. Voilà des demandes bien dignes de nos évêques. Le Roi y a répondu avec sagesse, et toute la nation espère que ce prince se rendra sur ces deux points aux vœux que tous les bons citoyens font depuis longtemps, qu'on accorde à tous les Français, sans distinction, l'état civil, et qu'on ne puisse pas disposer de sa liberté à un âge où on ne peut pas disposer de son bien.


b D'Alembert, ayant lu l'ouvrage de Michaelis, De l'influence des opinions sur le langage et du langage sur les opinions, recommanda cet écrivain au Roi, qui voulut le faire venir en Prusse; mais Michaelis refusa, le 27 juillet 1763, de répondre à cet appel. Voyez Johann David Michaelis Lebensbeschreibung von ihm selbst abgefasst. Rinteln et Leipzig, 1793, p. 57-59 et 96-99, et Litterarischer Briefwechsel von Johann David Michaelis. Leipzig, 1792, t. II, p. 429-437.