<464>quoi je fis une sottise qui ne peut s'excuser que par la bonté naturelle de mon cœur, qui ne m'a jamais permis d'aimer mes amis à demi, c'est que, ayant remarqué que le feu roi, qui le trouvait un peu trop affecté et damoiseau, avait une espèce d'éloignement personnel pour lui, je lui indiquai le moyen de se mettre bien dans son esprit. Je lui conseillai de faire l'amour à madame Pociey, qui avait alors beaucoup de crédit, et qui gouvernait absolument l'esprit de la comtesse Orzelska.b Il le fit, et il parvint par là à se fourrer dans les petites parties de plaisir du Roi, et à lui devenir si agréable, que ce prince m'a dit plusieurs fois, depuis, qu'il m'était obligé de lui avoir tant recommandé le comte de Hoym, parce qu'il lui avait trouvé, ayant appris à le connaître familièrement, tout le mérite que je lui avais attribué. Enfin, j'étais charmé de tous ces succès, me flattant de m'être attaché un ami qui serait trop honnête homme pour oublier jamais tout ce que j'avais fait pour lui, et que je pourrais un jour m'associer dans le département des affaires étrangères.
J'allai encore plus loin. Après que le Roi eut fait venir le marquis de Fleury pour l'employer dans le cabinet,a je lui proposai de rappeler le comte de Hoym, et de le faire mon collègue. Ce prince l'eût fait, si certaines intrigues de cour ne l'en avaient empêché. Le comte de Watzdorf, apparenté à Hoym, et un des plus indignes animaux raisonnables que j'aie jamais connus, ayant eu vent de mon intention, et prévoyant que, si j'y réussissais, nous serions dans peu, mon associé et moi, maîtres absolus de tout le gouvernail, il se mit en tête de rompre mon dessein, d'autant plus qu'il haïssait alors le comte de Hoym autant que je l'aimais.
b Anne-Caroline comtesse d'Orzelska, née en 1707, était fille d'Auguste II, roi de Pologne, et de Henriette Duval. Le 10 août 1780, elle épousa le prince Charles-Louis de Holstein-Beck. Selon les Mémoires de Frédérique-Sophie-Wïlhelmine, margrave de Baireuth, Brunswic, 1810, t. I, p. 104, 110, 117, 118 et 120, Frédéric avait, en 1728, une grande passion pour la comtesse d'Orzelska. Le nom de « madame Potge, très-fameuse pour son libertinage, » qui se trouve à la page 117 de ces Mémoires, n'est peut-être que celui de Pociey mal écrit. L'autographe de la Margrave conservé à la Bibliothèque royale, à Berlin, Ms. boruss. Fol. 806, année 1728, porte Potgé.
a François-Joseph Wicardel, marquis de Fleury, ministre de Cabinet saxon jusqu'en 1733.