<476>avec quelque sorte de plaisir, tant elle me semble heureusement et savamment tournée.

Je suis, d'un côté, très-fâché que la gazette n'ait pas accusé juste par rapport à l'abbé Gresset; tous ceux qui m'en ont parlé m'assurent que c'est un des plus heureux génies poétiques qu'on puisse voir; mais, d'un autre côté, je crois devoir être bien aise, par rapport à la situation présente de V. A. R., que son arrivée soit encore un peu différée. Il y a des gens dans le monde, et peut-être autour de V. A. R., dont la stupide malignité empoisonne souvent les démarches les plus dignes d'éloges.a Elle comprend bien, monseigneur, que je ne lui parle pas par légèreté avec tant de confiance. Je lui en expliquerai les énigmes lorsque j'aurai un jour le bonheur de me revoir à ses pieds, jusqu'auquel temps je la supplie de ne faire semblant de rien.

V. A. R. me fait d'ailleurs grand tort, si elle doute que j'aie du goût pour la vie champêtre, surtout quand elle est modelée selon l'idée qu'elle a la bonté de me donner de celle qu'on va mener à Rheinsberg.

Je quitterais des dieux la demeure azurée
Pour suivre Frédéric dans l'heureuse contrée
Où, de la même main dont il encensait Mars,
Il dresse des autels à Minerve, aux beaux-arts,
Il honore Minerve, en cultivant les arts.

Il ne se peut rien de plus instructif, rien de plus agréable que la distribution que V. A. R. fait des différents genres d'études auxquels on va s'appliquer à Rheinsberg : Wolff, Rollin, Voltaire et Boileau, relevés ou animés d'Euterpe! Il faudrait être bien dégoûté de l'usage de la raison, il faudrait être bien insensible aux plaisirs innocents, pour ne pas souhaiter de passer l'âge de Nestor en si bonne compagnie.

L'idée enchanteresse que je me fais d'une telle vie me fait quasi oublier, monseigneur, que j'ai été un peu plagiaire dans les deux derniers vers susdits. Le nombre de mes années ayant fait quasi tarir mon Hippocrène, je suis excusable, ce me semble, de puiser dans des sources plus riches.

Je reçois en ce moment un grand compliment de la part de


a Allusion au lieutenant-colonel de Bredow. Voyez t. XVI, p. 88 et 93.