<80>quelques-unes n'en valaient guère la peine, il aura désiré de voir aussi le Patriarche de Ferney, à qui cette visite impériale donnerait plusieurs années de vie. Il y a longtemps que je n'ai eu de ses nouvelles, que je crois d'ailleurs assez bonnes; j'imagine qu'il a en ce moment chez lui ce pauvre diable d'auteur de la Philosophie de la nature, qui a été si cruellement et si platement persécuté par les pitoyables jansénistes qui se mêlent de juger, au Châtelet, de la vie et de la liberté des citoyens. Nosseigneurs du parlement l'ont mieux traité, parce qu'ils ont eu peur du cri public; cependant, pour l'honneur de la magistrature, ils n'ont osé le renvoyer absous, et ils ont cru lui devoir une petite réprimande, qu'il méritait un peu, à la vérité, pour n'avoir pas fait un meilleur livre. V. M. a très-bien jugé cette rapsodie, qui en vérité n'était pas digne du bruit qu'elle a fait.
On dit en effet que Grimm reviendra cet hiver en France, pour retourner encore à Pétersbourg. J'irais plus loin, il est vrai, pour chercher la santé; mais j'aurais beau courir, je craindrais qu'elle n'allai toujours plus vite que moi. Je suis pourtant un peu mieux en ce moment, grâce à la saison, toute mauvaise qu'elle est; mais c'est à l'hiver que mon malheureux estomac m'attend pour me jouer ses tours. Il faut se préparer à le combattre, et, en attendant, prendre patience.
Je ne vois plus depuis très-longtemps mon ancien confrère le chevalier de Jaucourt, l'encyclopédiste. Il vit dans la plus grande retraite, et s'occupe, dit-on, d'une nouvelle édition du Moréri; car il ne peut travailler qu'à des ouvrages en plusieurs volumes in-folio. Les petits volumes de Racine et de La Fontaine ne contiennent pas tant de mots, et plus de choses. Du reste, chacun fait comme il l'entend pour s'amuser; mais il n'est pas aussi aisé d'amuser les autres. Encore le quaker Freeport a-t-il raison, dans l'Écossaise de Voltaire, quand il dit qu'il est plus difficile de s'amuser que de s'enrichir; c'est bien pis quand on veut amuser ceux qui s'ennuient.
J'ai lu le discours de M. Pitt, ou mylord Chatham, qui aurait bien mieux fait de conserver son premier nom.a Ce discours est en effet, comme le dit V. M., plein de vérités lâcheuses, mais
a Voyez t. XIX, p. 292.