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190. A D'ALEMBERT.

(Septembre 1777.)

Je me sers de l'occasion de M. le colonel Grimm,a au service de Russie, qui retourne en France, pour vous envoyer un très-petit Essai sur le gouvernement.b Je n'en ai fait tirer que huit exemplaires, dont je soumets celui-ci à votre censure. La matière est susceptible d'une grande étendue; je l'ai resserrée, parce qu'il vaut mieux donner à penser au lecteur que de l'accabler par une répétition assommante de choses connues et dites dans tous les livres. Si l'auteur mérite l'approbation d'Anaxagoras, c'est tout ce qu'il ambitionne. Le porteur vous dira le reste. Qu'Anaxagoras se conserve, que la force et la vigueur d'âme achève de cicatriser les plaies de son cœur, et que sa magnanimité, l'élevant au-dessus de tous les coups de la fatalité, lui procure l'heureuse apathie des stoïciens. Sur ce, etc.

191. AU MÊME.

Le 5 octobre 1777.

Je suis persuadé que l'air de la campagne vous aura été salutaire, surtout le changement de lieu et la dissipation, qui chasse les idées qui attristent, et donne à ce qui pense en nous la force de reprendre son assiette naturelle. Le colonel Grimm a passé ici; je l'ai chargé d'un autre griffonnage plus sérieux que mon Rêve, que je soumets à la censure de la philosophie, qui seule est en droit de juger si les hommes raisonnent bien ou mal. Vous


a Frédéric écrit à Voltaire, le 24 septembre 1777 : « Grimm est arrivé ici de Pétersbourg; il est devenu colonel. » Voyez t. XXIII, p. 460.

b Voyez t. IX, p. XI et XII, et p. 221-240; t. XXIII, p. 456; voyez aussi la lettre du prince Henri au Roi. du 9 septembre 1777, où il le remercie de lui avoir envoyé l'Essai sur les formes de gouvernement, etc.