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196. DE D'ALEMBERT.

Paris, 30 janvier 1778.



Sire,

Votre Majesté persiste à me croire coupable, malgré mon apologie. Je la supplie de me permettre encore quelques mots pour ma justification. Jamais, Sire, non, jamais je n'ai souffert qu'on prît de copies dans les lettres que V. M. m'a fait l'honneur de m'écrire, que des réflexions si philosophiques par lesquelles elle a bien voulu chercher à soulager ma douleur après la perte que j'avais faite. Ces réflexions m'ont paru le plus excellent abrégé de morale pour un philosophe affligé, et le plus propre à augmenter, comme elles ont fait, le nombre des admirateurs de V. M. Ce motif de ma part est si honnête, et le succès y a si généralement répondu, que, malgré le mécontentement de V. M., il m'est impossible de m'en repentir; sans compter que je me suis borné à donner à un ou deux amis les copies dont il est question, et qu'assurément je ne les aurais pas données à l'imprimeur sans la permission de V. M. Sur toutes les autres choses, Sire, que peuvent renfermer vos lettres, j'ai été du plus grand scrupule; je n'ai permis à personne d'en copier une seule ligne, et je n'ai même fait lecture de vos lettres à un très-petit nombre de personnes qu'en supprimant tout ce qui pouvait le moins du monde compromettre V. M. Voilà, Sire, quelle a été ma conduite. Mais V. M. sait que toutes les lettres, et à plus forte raison les siennes, sont ouvertes peut-être en dix endroits depuis Berlin jusqu'à Paris; elle s'en est même plainte dans plusieurs lettres qu'elle m'a fait l'honneur de m'écrire, parce que les ouvreurs de lettres avaient en effet abusé de cette licence, et rapporté, même sans exactitude, ce que ces lettres contenaient. Ce n'est pas ma faute. Sire, si cet exécrable abus existe dans presque toute l'Europe, et je ne dois pas en être la victime. Je défie qui que ce soit de m'accuser à cet égard, et de prouver son accusation.

J'espère donc, Sire, que V. M. voudra bien me croire, et rendre plus de justice à mes sentiments, à mon honnêteté et à ma discrétion.