<97>Je vous dois, Sire, des remercîments de la copie que V. M. a bien voulu faire faire de quelques lignes du manuscrit de Froissait qui est à Breslau. Cette copie a été trouvée parfaite, et telle qu'il le fallait pour les vues du nouvel éditeur.
V. M. a dû recevoir la lettre imprimée que j'ai écrite sur la mort de la pauvre madame Geoffrin. Elle m'a tendrement aimé, parce qu'elle savait par elle-même que j'étais capable d'aimer. C'était la seule amie qui me restât après celle que j'avais perdue. Me voilà seul dans l'univers, et plus à plaindre que V. M. ne peut croire; je n'ai pas besoin d'ajouter à mes peines le chagrin d'avoir déplu à V. M., et de lui avoir déplu sans le mériter. Elle continuera, j'ose le croire, à me consoler par ses lettres, et ne m'enviera pas cette unique douceur de ma vie.
Je prends la liberté de joindre ici le discours que j'ai prononcé il y a quelques jours à l'Académie française, en recevant le successeur de Gresset. Le public, Sire, a accueilli ce discours avec la plus grande indulgence, et lorsque je l'ai prononcé, et depuis même qu'il est imprimé. Mais je ne serai, Sire, pleinement satisfait de mon succès que dans le cas où V. M. voudrait bien honorer cette bagatelle de son suffrage. J'ai tâché d'y caractériser le mieux qu'il m'a été possible les ouvrages et la personne de Gresset; et les poëtes mêmes, peu favorables d'ailleurs à la géométrie, ne m'ont pas paru mécontents.
Je finis, Sire, cette lettre déjà trop longue pour un malheureux proscrit comme moi, et pour un prince que je crois en ce moment plus occupé que jamais. Quoique je n'ose presque plus parler à V. M. des affaires publiques, je me permets néanmoins de faire des vœux pour qu'elle ne se trouve pas engagée dans une guerre qui nuirait à son repos, en augmentant sa gloire, parce qu'elle n'a plus besoin de gloire, et qu'elle a besoin de santé et de repos.
Je suis avec le plus profond respect, et la plus tendre confiance en vos bontés, etc.