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33. AU PRINCE HENRI.

Grüssau, 5 (avril 1758).

.... Vous saurez sans doute que les Français ont abandonné Wésel. Quels coïons, mon cher frère! Revenez des préjugés favorables que vous aviez pour eux à Erfurt. Leurs officiers ont un jargon militaire qui en impose; mais ce sont des perroquets qui ont appris à siffler une marche, et qui n'en savent pas davantage. J'espère que vous en conviendrez à présent, et que vous voyez que tous les hommes, quels qu'ils soient, font des sottises, et que ceux qui valent le mieux font les moins grossières. Voilà, mon cher frère, le propre de l'humanité. La carrière de la sagesse est plus bornée que l'on ne pense; la perfection ne se trouve en aucun genre; l'on tourne alentour, on en approche, mais on ne l'atteint jamais. Vous me donnerez au diable avec ma morale; je ne saurais qu'y faire. Ce sont des vérités humiliantes pour l'humanité, qui n'en restent pas moins vraies, mais qui n'empêchent pas d'agir comme si nous étions parfaits. Adieu, mon cher frère; je vous embrasse. Ne m'oubliez pas, aimez-moi un peu, et soyez sûr de la tendresse avec laquelle je suis, etc.

34. AU MÊME.

Camp de Prossnitz, 25 juin 1758.

J'ai reçu une très-triste et fâcheuse nouvelle de Berlin, la mort de mon frère, à laquelle je ne m'attendais aucunement. J'en suis d'autant plus affligé, que je l'ai toujours tendrement aimé, et que j'ai pris tous les chagrins qu'il m'a donnés comme une suite de sa faiblesse à suivre de mauvais conseils, et comme un effet de son tempérament colère, dont il n'était pas toujours le maître; et, faisant réflexion à son bon cœur et à ses autres bonnes qua-