52. AU MÊME.
(Schönfeld) ce 21 (septembre 1758).
Mon cher frère,
Nous nous sommes partagé l'Elbe; vous avez la rive gauche, moi la droite; il ne nous reste qu'à suivre notre projet. Vous ne pouvez pas tenter des choses impossibles; mais je m'en repose sur vous des faisables. Il n'y a rien de nouveau de ce côté.
Ne m'ôtez pas, je vous en conjure, l'espérance, qui est la seule ressource des malheureux. Pensez que je suis né et élevé avec ma sœur de Baireuth, que ces premiers attachements sont indissolubles, qu'entre nous jamais la plus vive tendresse n'a reçu la moindre altération, que nous avons des corps séparés, mais que nous n'avons qu'une âme.b Pensez que, après avoir essuyé tant d'espèces de malheurs capables de me dégoûter de la vie, il ne me reste plus que celui que j'appréhende pour me la rendre insupportable. Voilà, mon cher frère, le fond de mon cœur, et je ne vous peins qu'une partie des idées lugubres qui y règnent. Mes pensées sont si noires aujourd'hui, que vous ne trouverez pas mauvais que je les renferme dans moi-même. Vous assurant de la parfaite tendresse avec laquelle je suis, mon cher frère, etc.
53. AU MÊME.
(Rammenau) 1er octobre 1758.
Mon cher frère,
Vous faites à merveille de faire enlever des magasins à l'ennemi et de lui rendre la subsistance difficile. C'est à peu près tout ce que vous et moi pouvons faire dans les circonstances présentes. On dit qu'il y a une centaine de hussards sur nos frontières, du côté de Mittenwalde. Si vous pouviez envoyer quatre-vingts ou
b Voyez t. XXV, p. 49.