<200>Nous sommes tous déchirés; il n'y a presque personne qui n'ait deux ou trois coups de feu dans les habits ou dans le chapeau. Nous sacrifierions volontiers notre garde-robe, si ce n'était que cela. L'ennemi s'est un peu éloigné de Francfort, et campe dans les bois, entre l'Oder et le chemin de Reppen. Représentez-vous, dans celte cruelle crise, tout ce que souffre mon esprit, et vous jugerez facilement que le tourment des damnés n'en approche pas. Heureux les morts! ils sont à l'abri des chagrins et de toutes les inquiétudes.
69. AU MÊME.
Fürstenwalde, 24 août (1759).
Vous saurez l'échec qui nous est arrivé. Je suis ici, à Fürstenwalde. J'ai trente-trois mille hommes encore. Les Russes et Loudon campent de ce côté-ci de Francfort, et se sont retranchés sur les vignes. Hadik est à Müllrose; il a un détachement à Beeskow. Ils attendent que Daun les joigne pour marcher à Berlin. Si vous voyez que Daun marche à Guben, il faudra que par des marches forcées vous me joigniez par Beeskow, où j'enverrai un détachement pour vous faciliter le passage. Si Daun change de projet, et se tourne vers la Silésie, je pourrai lui rendre les vivres et les convois impraticables; mais, autant que j'en puis juger, il y a apparence que Daun, par vanité et pour avoir l'honneur de m'écraser, joindra les Russes à Francfort.
Vous aurez la bonté de donner cinquante ducats au porteur, et vous le garderez chez vous.