<203>mais je suis plus juste que cet orgueilleux Romain, et bien loin de rogner de votre réputation, je voudrais pouvoir accroître votre gloire et y contribuer moi-même.b Adieu, cher frère; je vous embrasse.
74. AU MÊME.
(Freyberg) ce 14 (décembre 1759).
Mon cher frère,
Je ne puis qu'approuver les mesures que vous avez prises; il faut soulager le soldat autant que cela dépend de nous. La neige est tombée ici en si grande abondance, qu'elle met des barrières insurmontables à l'acharnement cruel de cette guerre. Si cela continue, personne ne pourra avancer. J'ai des nouvelles si incertaines, que je n'ose pas vous les communiquer; cependant j'ose vous assurer qu'il sera impossible à l'ennemi de se maintenir en force en Saxe depuis la chute des neiges; la nécessité, plus forte que le conseil de guerre de Vienne, les obligera à quitter la partie. Il n'y a rien de plus simple que de s'impatienter dans la situation où nous nous trouvons; mais cela ne sert de rien, et il n'en faut pas moins avoir patience. J'attends votre réponse sur ma lettre de ce matin, et je suis, etc.a
b Voyez la Vie privée, politique et militaire du prince Henri, p. 83 et suivantes.
a On lit, au bas de l'autographe de cette lettre, la note suivante, de la main du prince Henri : « Cette lettre, laquelle, toujours accompagnée d'une lettre en chiffre, fut écrite le 14 de décembre, de Freyberg, où était le Roi, je la reçus à Unckersdorf, où était mon quartier. Je ne me fie nullement à ces nouvelles; elles sont toujours contradictoires et incertaines comme son caractère. Il nous a jetés dans cette cruelle guerre; la valeur des généraux et des soldats peut seule nous en tirer. C'est depuis le jour où il a joint mon armée qu'il y a mis le désordre et le malheur. Toutes mes peines dans cette campagne, et la fortune qui m'a secondé, tout est perdu par Frédéric. »