<206>les fontes des neiges. Ce que je vous ai marqué hier des Français n'est pas une nouvelle de gazette; ce sont des insinuations qui m'ont été faites, et dont j'ai profité avec chaleur pour porter l'Angleterre à l'accommodation proposée; j'y ai dépêché deux courriers de suite, et je me flatte, par les intelligences que j'ai là-bas, de réussir. Si cela arrive, ce sera un coup sanglant pour les Autrichiens, et nous sortirons d'affaire; sinon, ou il faut se pendre, ou périr l'épée à la main. Quel que soit mon sort, je conserverai jusqu'au dernier soupir pour vous la reconnaissance de toute l'amitié que vous m'avez témoignée et de tous les services que vous avez rendus à l'État. Si nous ne réussissons pas, si le grand nombre nous accable, nous aurons le sort d'un voyageur qu'une troupe de brigands assassine en chemin, et d'autres princes qui auront été aussi malheureux que nous. Enfin, mon cher frère, on ne saurait se donner plus de peine que je m'en donne pour reformer l'armée, pour arranger les finances et les magasins, et pour amener les esprits à la paix; et si je ne réussis pas, il faut l'attribuer à la fortune, qui depuis quelque temps a pris à tâche de persécuter ma vieillesse.
Tout est tranquille dans ces cantons. Je doute que Beck s'aventure fort loin dans cette saison; ce n'est pas un temps favorable aux opérations militaires; il poussera peut-être jusqu'à Bautzen, mais ce sera tout.
Je vous embrasse bien tendrement, en vous assurant de la tendresse avec laquelle je suis, mon cher frère, etc.
78. DU PRINCE HENRI.
Unckersdorf, 25 janvier 1760.
Mon très-cher frère,
Vous me témoignez bien gracieusement vos bontés par la lettre que vous avez daigné m'écrire hier. Je n'ai aucun droit pour les mériter que le sincère intérêt que je prends à votre situation;