164. AU PRINCE HENRI.
Le 13 septembre 1763.
Mon cher frère,
Une lettre d'un fou de Suisse est arrivée fort à propos pour me procurer celle, mon cher frère, que vous me faites le plaisir de m'écrire. Je crois que ce M. Planta a dressé sa lettre aux Petites-Maisons; il m'envoie son portrait, un projet de campagne qu'il a fait pour M. de Broglie, une satire impertinente de Versailles, et tout cela comme une recommandation pour lui faire obtenir dans ce service quelque bonne place. Je me suis contenté de lui marquer qu'en temps de paix on ne pouvait pas faire des passe-droits à des officiers qui avaient bien servi, et que je ne doutais pas que son mérite ne lui fît trouver de l'emploi ailleurs. En voilà assez pour ce Planta. Quant à votre Paléologue, mon cher frère, je m'en chargerai volontiers, pourvu que je sache à quelle sauce le mettre; s'il est bête, il faut le fourrer dans le clergé de Silésie et en faire un chanoine; s'il est bon à mieux que cela, je tâcherai de lui trouver une place comme je pourrai. J'en viens à présent à la partie de votre lettre qui m'a fait le plus de plaisir, puisqu'elle me fait espérer le plaisir de vous revoir. Je suis ici à ma vigne retiré. Si vous voulez, par complaisance, vous ennuyer dans ma retraite, je vous avoue que cela me fera plaisir. C'est le cas où se trouvait le vieux maréchal de Schulenbourg à Venise. Il allait aux assemblées, où un vieux barcarolo qui le conduisait lui disait quelquefois : « Monseigneur, ne voulons-nous pas nous retirer? Il me semble que nous ennuyons ces gens-ci. » L'autre lui répliquait : « Ils m'amusent; restons. »a Vous serez toujours le maître de vous en retourner à Rheinsberg lorsque vous le voudrez; puis je pourrai vous montrer des esquisses de vos plafonds, que Guglielmi a croquées. J'ai été à Berlin pour me débarrasser du corps diplomatique, ministres arrivés, ministres partant, ministres négociant; j'ai profité du temps pour prendre des arrangements pour la manufacture de porcelaine que
a Voyez t. XVIII, p. 263.