170. DU PRINCE HENRI.
Rheinsberg, 13 octobre 1763.
Mon très-cher frère,
On vient de m'apprendre que vous avez fait des arrangements en ma faveur, à l'égard des dettes que le feu margrave Charles avait contractées sur les terres que vous avez eu la générosité de me donner. Je ressens vivement toutes les obligations que je vous dois, et si vous pouviez lire dans mon cœur, vous y trouveriez gravés les sentiments de ma reconnaissance.
J'ai vu ici la famille de Strélitz. Le Duca paraît avoir un caractère doux et honnête. La demoiselle Zeltern, toujours fille de soixante ans, paraît aussi sémillante qu'elle croyait l'être il y a vingt ans. C'est bien la cour la plus heureuse de l'Europe; la politique ne trouble pas leur repos; je crois qu'on y ignore parfaitement la mort du roi de Pologne; du moins est-il certain qu'ils ne s'inquiéteront que peu comment l'intérêt de la succession sera terminé. Le comte de Brühl, à en croire les gazettes, suivra bientôt son maître. Je crois qu'il a peu pensé pendant sa vie quel sentiment il prendrait lorsqu'il faudra quitter son palais et sa garde-robe; ce sera un triste congé pour une âme aussi peu philosophe que la sienne.
Je compte, après mon retour, vous mander l'histoire de mon voyage, lequel ne sera pas autrement intéressant; mais il me procurera toujours l'avantage de me rappeler à votre souvenir, et de vous renouveler les assurances du respectueux attachement avec lequel je suis, etc.
a Adolphe-Frédéric IV, né le 5 mai 1738, et duc régnant depuis le 11 décembre 1752, mort le 2 juin 1794. Il n'avait jamais été marié.