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177. AU PRINCE HENRI.

Ce 14 (novembre 1763).



Mon cher frère,

Je suis fâché de vous savoir toujours incommodé de votre mal de nerfs; j'espère cependant que vous vous remettrez en suivant un certain régime et en prenant de l'exercice.

Mon neveu Henri a pris la petite vérole le plus heureusement du inonde; le médecin assure qu'il n'y a aucun danger. Ma sœur Amélie se remet tout à fait; elle me l'écrit elle-même; je me persuade que vous y prenez part.

Ce sera le 20 que le mamamouchi prendra ses audiences.a Vous avez bien deviné Pöllnitz; il est rajeuni de vingt ans, et toujours profondément occupé de bagatelles. On doit observer un cérémonial singulier avec ces Turcs, qui me déplaît et me gêne fort; mais il en faut passer par là, et je pourrai m'en consoler, si cela nous mène à une bonne alliance défensive avec messieurs les circoncis. Le bel air de Berlin est à présent de manger des dattes; les petits-maîtres vont arborer incessamment le turban, et ceux qui seront assez riches établiront des harems. Il faut avoir vu le Turc pour être à la mode, chacun en fait un conte à dormir debout; mais cela passera, et dans deux mois ils en seront si rassasiés, qu'ils attendront le moment de son départ avec impatience. Pour moi, je paye les violons de toute cette affaire; il m'en coûte sept mille écus par mois. Les Turcs sont plus arabes que les juifs.

On travaille, à Berlin, à votre palais; je commande à présent tout ce qu'il faut pour la salle, la galerie et l'ameublement des chambres; tout cela sera assurément achevé l'été prochain. J'ai ici notre neveu le Prince héréditaire, qui est aimable au possible. J'ai trouvé le moyen de rassembler une bande de bouffons, et je lui donne des opéras-comiques. Je souhaite, mon cher frère, d'apprendre bientôt de bonnes nouvelles de votre santé, vous priant de me croire avec une parfaite tendresse, etc.


a Cette cérémonie eut lieu le 21 novembre 1763.