<335>qu'aux petites choses, ses vues s'étendent et enferment tout dans leur immensité. Les Russes ont bien raison de célébrer ses grands succès. L'invention du ballet dont vous me parlez, mon cher frère, est ingénieuse; mais il faut du marbre et de l'airain pour transmettre ses grandes actions à l'immortalité. La modération que cette princesse met dans les conditions de la paix qu'elle impose aux Turcs couronne le tableau de tant de hauts faits, et y ajoute le dernier lustre; car il est beau de pardonner à ses ennemis, et plus beau encore de ne les point opprimer lorsqu'on les peut écraser. Ce sont des choses supérieures aux plus grandes victoires, car la gloire s'en partage entre bien des personnes, qui sans doute y ont contribué; mais la clémence, l'humanité, la générosité, partent du cœur du souverain; cette gloire est personnelle, et personne ne peut la lui disputer. Voilà ce qui rendit César le premier des Romains, son vaste génie et sa clémence; et je me réjouis de trouver les mêmes grandes qualités dans une impératrice dont je suis le fidèle allié. Je ne finirais point sur ce sujet, mon cher frère, la matière est inépuisable; mais comme vous trouvez en vous-même toutes les réflexions que ce sujet fait naître si naturellement, je me renferme cette fois dans les assurances de la tendresse infinie avec laquelle je suis, etc.
J'ai perdu cet honnête et brave chancelier Jariges.a
218. AU MÊME.
Le 16 novembre 1770.
Mon cher frère,
Votre courrier est arrivé ici avec votre lettre, qui m'a été bien rendue. Vous me demandez des ordres; je suis obligé de les faire accommoder. Cela demande huit jours, de sorte que tout au plus
a Voyez t. XVIII, p. VI, art. IV, et p. 183-185; t. XX, p. XIV, art. XII, et p. 217.