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293. AU MÊME.

Ce 5 (mars 1778).



Mon très-cher frère,

Ne pensez pas, mon cher frère, que je me croie au bout de mes travaux. J'aperçois clairement toutes les difficultés qui s'opposent en mon chemin, et d'autres hasards auxquels les conjonctures critiques où nous nous trouvons peuvent donner lieu. C'est pourquoi je suis obligé d'aller si lentement, pour ne pas poser le pied avant d'avoir sondé si le terrain où je le mets est solide. Je sais et connais quelles pauvres espèces sont ces pauvres princes de l'Empire; aussi n'est-ce pas mon intention de devenir leur Don Quichotte. Mais, mon cher frère, laisser usurper à l'Autriche une autorité despotique en Allemagne, c'est lui fournir des forces contre nous-mêmes, et la rendre beaucoup plus formidable qu'elle ne l'est déjà; et c'est ce qu'aucun homme qui se trouve dans le poste que j'occupe ne doit tolérer. La balance des forces respectives est la seconde raison qui m'oblige à m'ingérer dans celte affaire, pour ne pas conniver à ce que l'Autriche nous devienne si supérieure, que, avec le temps, on ne puisse plus lui résister; et vous comprenez que ce sont des raisons si fortes et si importantes, qu'il faut se ranger de cet avis. Je n'ai point, à la vérité, reçu ma réponse définitive de la France; mais je m'aperçois que Goltz gagne du terrain dans sa négociation, parce que tous les ministres de France ont reçu ordre de déclarer aux cours où ils résident que la France n'était point d'accord avec l'Empereur sur ses procédés avec l'Électeur palatin, et qu'elle n'approuvait point sa conduite. Voilà un pas en avant, mais ce n'est pas tout. Or, à présent, il faut attendre le parti que ces gens prendront. Je ne crois pas qu'ils pourront s'en tenir à une stricte neutralité, vu que le prince de Deux-Ponts a réclamé leur assistance; il leur reste donc ou de subjuguer la cour de Vienne par leurs négociations (ce qu'on ne me persuadera pas), ou, en cas de rénitence, de se déclarer contre eux. Il m'est impossible actuellement, mon cher frère, de deviner ce qui en sera, mais j'en dois être instruit dans quelques jours. J'ai épuisé tous les argu-