353. DU PRINCE HENRI.
Dresde, 10 décembre 1778.
Mon très-cher frère,
La lettre gracieuse que vous m'avez écrite, mon très-cher frère, me console et me touche sensiblement. Le bonheur de vous avoir été utile, dont vous daignez me flatter, me cause le regret de ne pouvoir vous servir comme je le voudrais, mais ne me fera jamais renoncer au désir et à la volonté de vous servir, même dans les moindres choses. Je vous ai représenté ma triste situation; je l'ai fait, puisque je le devais, sans égard pour la paix ou la guerre. Dans le premier cas, dont la possibilité est apparente, je n'aurais pensé qu'à mon intérêt en dissimulant pour me déterminer suivant les conjonctures; mais d'abord que vous le voulez, mon très-cher frère, c'est une autre chose. Je puis à cette heure remplir des fonctions moins pénibles, et lorsque cet affaiblissement me prend, je puis remettre d'une heure à une autre un ouvrage qui ne perd rien, lors même qu'il est différé. Vous savez d'ailleurs, mon très-cher frère, que, en cas de guerre, on n'a point bonne grâce à quitter lorsqu'une campagne est prête à s'ouvrir. Mais je remets tous mes intérêts entre vos mains. Je n'ai ni caprice, ni volonté; je vous expose ma situation, et vous la déterminerez. Si même je pouvais vous être utile à quoi que ce soit dans la moindre partie, je m'en ferais gloire, puisque ce sera toujours aux yeux du public une preuve, non seulement que je vous suis attaché, mais encore que je n'ai pas mérité de perdre votre confiance. Voilà où se bornent, malheureusement pour moi, les dernières preuves que je puis vous donner, mon très-cher frère, de ma reconnaissance et du tendre et respectueux attachement avec lequel je fais gloire d'être, etc.