87. AU PRINCE HENRI.
Camp de Hohendorf sur la Katzbach. 9 août 1760.
Il n'est pas difficile, mon cher frère, de trouver des gens qui servent l'État dans les temps aisés et fortunés; de bons citoyens sont ceux qui servent l'État dans un temps de crise et de malheur. La réputation solide s'établit à exécuter des choses difficiles; plus elles le sont, et plus elles honorent. Je ne crois donc pas que ce soit votre sérieux, ce que vous m'écrivez. Il est sûr que ni vous ni moi ne saurions être responsables des événements dans la situation présente; mais dès que nous avons fait tout ce que nous pouvons, notre propre conscience et le public nous rendra justice.
Quant à la position présente de mes affaires, vous saurez que j'ai occupé Liegnitz comme un poste; je suis marché aujourd'hui sur Goldberg, et en même temps que Daun, Loudon y est aussi venu de Reichenberg, et Beck après sa retraite de Bunzlau. Selon toutes les apparences, ces affaires ici se décideront en peu de jours; nous combattrons pour l'honneur et pour la patrie; tout le monde fera l'impossible pour réussir. La supériorité du nombre ne m'effraye point; mais, malgré toutes ces circonstances, je ne réponds pas de l'événement. Si Daun ne fait aucun mouvement demain, je marcherai du côté de Jauer, et franchirai le chemin de Schweidnitz, pour en tirer mes pains et mes vivres.248-a J'ai <217>tout lieu de présumer que nous les battions avant que cela arrive. Si nous sommes heureux, vous l'apprendrez bien vite; si les choses tournent mal, vous ne le saurez que trop tôt. Vous avez très-bien fait de donner de grosses récompenses à Werner. Si votre argent est fini, vous n'avez qu'à demander vingt mille écus en mon nom au ministre de Schlabrendorff, et de lui dire en même temps que c'est ma volonté. Je souhaite que vous soyez dans peu obligé d'en demander. Publiez là-bas que je vous envoie un corps de dix mille hommes. Demain je ferai courir des bruits que vous me fournirez tout autant. Adieu, mon très-cher frère.
248-a Voyez t. V, p. 66.