121. AU MÊME.

Quartier de Bettlern, 20 mai 1762.



Mon très-cher frère,

J'ai enfin la satisfaction de vous annoncer la conclusion de mon traité de paix avec la Russie. Mon capitaine et adjudant le comte de Schwerin est arrivé ici aujourd'hui, et m'en a apporté l'instrument signé de la main de l'Empereur. Il m'apprend en même temps qu'on a publié cette paix à Pétersbourg avec beaucoup de solennités, et qu'on a fait une décharge de plusieurs pièces de canon. A l'ordinaire, on n'observe pas, dans des cas semblables, les mêmes cérémonies chez nous, et on se borne à une simple publication; mais comme c'est un événement qui me fait un plaisir infini, je veux aussi faire une exception à la règle, et faire éclater, par des marques publiques, la joie que j'en ressens. Mon intention est donc que vous ordonniez un Te Deum dans votre armée, et qu'à cette occasion vous fassiez faire une décharge générale de votre artillerie. Vous donnerez en même temps une fête à laquelle vous inviterez quelques généraux, et porterez les santés de l'empereur de Russie et d'autres personnes distinguées <246>de la cour, au bruit d'une décharge de tant de canons que vous jugerez convenable; mais vous aurez aussi soin, après cela, de faire insérer dans les gazettes un petit détail de cette fête, et de ne pas oublier d'y faire également mention du nombre des canons qu'on a tirés à cette occasion.

P. S. .... L'empereur de Russie s'est engagé de me donner un corps auxiliaire, contre les Autrichiens, de dix-huit mille hommes, c'est-à-dire, de vingt bataillons à huit cents hommes, de deux régiments de cavalerie et de mille Cosaques. Ces régiments ont aussi effectivement leur ordre d'être au plus tard en quinze jours ou plus tôt ici. Voilà ce qui obligera Daun de rassembler tout ce qu'il y a de troupes en Saxe; sinon, vous patienterez seulement quatre semaines encore, où je lui donnerai tant à faire par des diversions, qu'il sera bien nécessité de quitter absolument la Silésie pour se replier vers la Moravie. Si Daun retire à soi beaucoup de régiments de la Saxe, rien ne vous empêchera alors de prendre Dresde et de passer outre en Bohême, droit vers Prague. Il serait d'autant mieux si vous pouviez vous rendre maître de cette place; de cette façon, nous nous prêterons les bras l'un l'autre dans nos opérations, et parviendrons à notre but, pour obliger les Autrichiens à accepter la paix de nous.