220. AU MÊME.
Le 22 novembre 1770.
Mon très-cher frère,
Je vois par vos lettres, mon cher frère, tous les nouveaux sujets d'admiration que vous fournit la Russie; mais des palais et des maisons ne sont que des monuments morts qui ne font rien à la société; ce qu'il y a de vraiment admirable en ce que vous venez de m'écrire, c'est cette institution pour élever des filles et leur donner une éducation convenable. C'est par de tels soins, vraiment dignes des souverains, qu'ils peuvent mériter les noms de pères de la patrie. Le bienfait que nous recevons de nos parents, c'est la vie; mais ceux qui nous éclairent, qui nous inspirent des mœurs, qui nous humanisent, ce sont nos vrais, <338>nos seuls bienfaiteurs;385-a ceux des souverains qui peuvent produire de tels titres sont sûrs d'obtenir des brevets d'immortalité par tous les siècles.
Je vous ai dépêché, mon cher frère, un courrier depuis peu, et je dois encore ajouter que mes efforts ont été superflus pour achever ces ordres, qui ne pourront, je crois, partir d'ici que le mois prochain. On croit la guerre inévitable entre l'Angleterre et l'Espagne; Choiseul se trouve pris dans les filets qu'il avait tendus à d'autres. Ainsi la meilleure politique est l'unie qui chemine droit; par là on ne cherche niche à personne, et l'on ne s'embarrasse pas soi-même.
Notre nièce n'est point encore accouchée.385-b Il fait ici depuis quelques jours un temps abominable. Je vous conjure, mon cher frère, de vous bien empelisser et de vous bien calfeutrer à votre retour. Je crains que vos nerfs délicats ne souffrent de la rigueur du froid.
Je suis, etc.
385-a Voyez t. XVII, p. 302 et 303.
385-b Il s'agit de la princesse d'Orange, qui accoucha d'une fille le 28 novembre.