8. AU MÊME.

(Breslau) 20 mars 1759.



Mon cher frère,

Je n'ai demandé de vos nouvelles que par l'amitié que j'ai pour vous, et non dans l'espérance de vous revoir ici. Votre tempérament a été si prodigieusement ébranlé par ces funestes fièvres chaudes que vous avez eues l'année passée, qu'il n'y a que le temps, la tranquillité et les remèdes qui puissent la rétablir tout à fait.617-a Je vous prie donc instamment, mon cher frère, de vous <541>tranquilliser l'esprit, de renoncer à celte campagne, et de faire usage de votre raison, pour que le chagrin ne contribue pas à miner vos jours et à renverser ce que l'usage de la médecine et des cures suivies qu'on veut vous faire prendre pourra rétablir. Je suis à présent sur le point de recommencer ma vie errante; ainsi je commence à vous demander excuse si vous ne recevez pas de mes lettres ou de mes réponses. Ce n'est pas manque d'amitié; mais l'embarras et le fardeau que je porte est si pesant, que vous ne devez pas trouver étrange que le temps et les fatigues m'interdisent ce que mon cœur désirerait. Faites-moi cependant le plaisir de me marquer quelquefois comme vous vous portez. Je pourrai du moins avoir des nouvelles sûres, et je les aime mieux que les faux bruits qui se répandent, et qui laissent quelquefois dans une cruelle incertitude. Adieu, cher frère; je vous embrasse, en faisant mille vœux pour votre conservation, vous assurant de la tendre amitié avec laquelle je suis, etc.


617-a Voyez t. XXIII, p. 25, 32, 46, 52, 59, 66 et 103 : t. XXV, p. 380.