178. DE LA MARGRAVE DE BAIREUTH.
Le 25 (sic) décembre 1746.
Mon très-cher frère,
Je ne saurais vous exprimer quelle joie m'ont causée vos deux dernières lettres, aussi bien que la belle pièce d'étoffe que vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer. Je regarde l'une et l'autre comme une marque de votre amitié, et j'y suis si sensible, que je puis dire avoir ressenti en cette occasion toute la force de celle que j'ai pour vous. Soyez persuadé, mon très-cher frère, de ma parfaite reconnaissance, et que je m'efforcerai de mériter de plus en plus vos bontés. Elles seules ont fait le bonheur de ma vie pendant un temps; leur perte m'a causé un si violent chagrin, que je m'en ressens encore; mais je vois à présent que vous vous souvenez quelquefois de moi, et vous m'en assurez si obligeamment, que cela seul peut me rendre la vie. Je ne finirais jamais, si je voulais m'étendre sur ce sujet, et j'aime mieux le finir que de m'expliquer trop faiblement. Je suis fort surprise que la manufacture d'étoffes, à Berlin, ait fait en si peu de temps de si grands progrès; c'est un avantage considérable pour le pays, et si elle continue comme elle a commencé, elle aura beaucoup de débit. On a déjà voulu nous débaucher quelques-uns de nos virtuoses en Danemark; mais j'ai eu le temps d'y mettre ordre. Je ne crois pas que ceux de Berlin voudront changer de sort; ils sont si bien, qu'ils feraient très-mal de quitter. Zaghinia est meilleur que jamais à présent, étant guéri par miracle de plusieurs maux très-dangereux dont l'un aurait suffi pour l'envoyer à l'autre monde, ayant eu un ulcère dans les reins, un commencement d'hydropisie, et la pierre. Stefanio devient aussi excellent; le pauvre diable n'avait jamais appris selon les règles, ce qui était cause qu'il n'avait pas deux tons égaux; j'ai eu la patience de lui faire faire un an de suite le solfége; il chante à présent le contralto, qu'il a plus fort que Zaghini, et tous les tons clairs et égaux. La cour de Danemark est fort changée depuis la mort du Roi. La Reine a perdu toute son autorité, dont à la vérité elle
a Voyez les Mémoires de la Margrave, t. II, p. 260.