<183>accompagne tout cela de la plus fine galanterie, par les marques de souvenir qu'elle envoie à son cher Folichon. En vérité, mon cher frère, croiriez-vous bien que je préfère les lettres de Biche à toutes les épîtres de Cicéron, à toutes nos plus belles pièces d'éloquence, et enfin que je prends plus de plaisir à les lire que tous nos auteurs anciens et modernes? La raison en est simple : elles me parlent de vous et des sentiments que vous avez pour moi, et font couler dans mon cœur cette douce satisfaction qui seule peut nous rendre heureux. En effet, je fais consister notre félicité dans cette vie à recevoir le réciproque des personnes qu'on aime. Le moindre petit retour, mon très-cher frère, de votre part me suffit. Conservez-moi, je vous supplie, ces précieuses bontés, et soyez persuadé que ma tendresse, l'attachement et le respect que j'ai pour vous ne finiront qu'avec ma vie, étant, mon très-cher frère, etc.
210. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH.
Sans-Souci, 15 juin 1748.
Ma très-chère sœur,
Je suis charmé de ce que la témérité de Biche n'ait pas été mal reçue de Folichon, et qu'il ait eu assez de support pour elle de recevoir de bon œil sa lettre et son présent. Souvent les animaux nous sont utiles pour expliquer nos sentiments plus naturellement et avec franchise. La Fontaine, qui fit de si jolis contes, ne l'ignorait pas; aussi les bêtes auxquelles il prêta son éloquence enseignèrent-elles aux hommes une morale que malheureusement peu d'entre eux mettent en pratique. Biche a du bon sens et de la compréhension, et je vois tous les jours des gens qui se conduisent moins conséquemment qu'elle. Si cette chienne a deviné les sentiments de mon cœur, du moins ne les a-t-elle pas mal rendus, et je l'en aimerai encore davantage, si vous voulez bien, ma chère sœur, y ajouter foi. Je finirai dans quelques jours la