<232>tendresse et toute la considération imaginable, ma très-chère sœur, etc.
262. A LA MÊME.
Potsdam, 16 (juin 1753).
Ma très-chère sœur,
J'ai trouvé votre chère lettre ici, à mon retour de Prusse, et je me flatte plus que jamais que votre santé, ma chère sœur, se remettra. Quelle joie de revoir ici une chère amie, une sœur tendrement aimée, qui m'a fait trembler pour sa santé pendant trois ans d'absence! J'attends cet heureux jour avec une véritable impatience. En attendant, je recevrai ici une foule d'étrangers, ou plutôt d'importuns, qu'attire la curiosité de voir notre camp. Je me passerais volontiers de leur présence, mais il faudra faire bonne mine à mauvais jeu; ce seront des militaires, et, en cas que quelque chose leur déplaise, je n'aurai pas à craindre des épigrammes. Vous me voyez encore effarouché de mes aventures avec messieurs les beaux esprits; mais j'ai essuyé de leur part quelques éclaboussures en passant, comme il arrive qu'on reçoit des coups en voulant séparer des gens qui se battent. Je vous souhaite, ma chère sœur, un sort plus heureux que le mien avec ces messieurs-là. Je ne crois point que vous ayez besoin deux pour éclairer votre esprit; ils auraient plus besoin de votre sagesse. Madame du Deffand ne voulait jamais voir Voltaire; on lui demanda pourquoi. « C'est, dit-elle, que j'achète son esprit pour deux florins, et que je jouis de ses ouvrages sans m'exposer à ses méchancetés. » Je vais commencer les eaux d'Éger, et je fais mille vœux pour que celles que vous prendrez vous fassent tout l'effet qu'on en peut attendre. Vous êtes bien persuadée, à ce que j'espère, que personne ne s'y intéresse plus tendrement que, ma très-chère sœur, etc.