<263>de la vie des hommes que leurs actions raisonnables, l'histoire serait très-courte. Je connais, ma chère sœur, votre support et la condescendance que vous avez pour moi; cela me rend hardi à vous confier mes sottises.
J'ai vu le prince Frédéric,b qui revient de chez son frère. Il m'assure que le Duc vit assez bien avec son épouse; du moins garde-t-il tous les dehors de la bienséance, et c'est tout ce qu'on peut exiger d'un mari prince. Il dit que son frère fait une dépense épouvantable, sans avoir le sou en poche. Je l'ai prié de m'apprendre ce secret; si la guerre devient générale, je pourrais en avoir besoin. J'ai vu aussi le prince François,c qui m'a dit que ma sœur de Brunswic se portait à merveille, et que ses enfants devenaient grands comme des perches. Voilà à peu près où s'étend ma sphère pour les nouvelles que je puis vous donner, car c'est quelque chose de très-vieux que la tendre amitié et la parfaite considération avec laquelle je suis, etc.
293. A LA MÊME.
Ce 25 (avril 1755).
Ma très-chère sœur,
Un accès de goutte épouvantable que j'ai eu dans les deux jambes à la fois m'a empêché quinze jours de vous écrire. Je vous dois trois lettres, et je ne sais comment vous payer. La dernière que j'ai reçue est de Marseille, du 3 d'avril. Je souhaite que vous poursuiviez heureusement votre voyage, et que vous trouviez partout de quoi vous amuser, surtout que l'exercice soit aussi salutaire à votre santé que je le désire. Pour moi, qui suis perclus de la moitié de mes membres, je ne puis faire que des vœux pour votre personne. Je m'amuse à faire un opéra des
b Voyez ci-dessus, p. 264 et 282.
c Voyez t. IV, p. 242.