<288>faire illusion sur mon sujet; mais, ma chère sœur, en faisant un retour sur moi-même, je n'y trouve qu'un pauvre individu composé d'un mélange de bien et de mal, souvent très-mécontent de soi-même, et qui voudrait fort avoir plus de mérite qu'il n'en a, fait pour vivre en particulier, obligé de représenter, philosophe par inclination, politique par devoir, enfin qui est obligé d'être tout ce qu'il n'est pas, et qui n'a d'autre mérite qu'un attachement religieux à ses devoirs. Voilà, ma chère sœur, une confession générale après laquelle je me flatte de votre absolution.
Le duc de Nivernois vient aujourd'hui ici; si je pouvais jouir de l'homme aimable, j'en serais charmé; mais jusqu'à présent je n'ai vu que l'ambassadeur. Je vous laisse à penser si je suis occupé ou non; obligé de me mêler d'une infinité d'affaires qui, dans le fond, ne me regardent pas, et plongé dans des négociations très-délicates et épineuses, je crains, en vérité, de vous communiquer mon ennui, si j'entrais plus avant en matière. Je me contente de vous embrasser de tout mon cœur, et de vous assurer de la tendresse parfaite avec laquelle je suis jusqu'au dernier soupir de ma vie, ma très-chère sœur, etc.
314. A LA MÉME.
(Potsdam) ce 12 (juillet 1756).
Ma très-chère sœur,
J'ai reçu hier la lettre remplie de tendresse et d'amitié que vous avez eu la bonté de m'écrire. Nous nous trouvons à peu près ici dans la même situation qu'il y a huit jours, nous préparant à tout événement, et cependant n'en faisant pas assez pour donner de l'ombrage qu'à ceux qui en veulent prendre. Je prends à présent les eaux d'Éger, qui me font un bien infini. Il y a eu un grand tapage en Suède. J'ai tant prié ma sœur de se tenir tranquille! mais il n'y a pas eu moyen. Cela est très-fâcheux, et vient fort mal à propos dans les circonstances présentes. Je ne