<301>naissance pour vous; soyez persuadée que, tant que je respirerai, le souvenir de tant de vertu restera gravé au fond de mon âme. Il m'est impossible de vous exprimer tout ce que je sens là-dessus, mais certainement, si je ne vous aimais pas depuis longtemps avec passion comme frère, je vous adorerais comme le miracle, comme le phénix de nos jours. Vous ne pourrez recevoir de mes lettres que sous date du 15 de ce mois; nous sommes depuis quatre semaines par voie et par chemin, toujours sur pied et toujours en de nouveaux lieux. Nous avons fait une diligence qui surprend nos ennemis. Avant-hier et aujourd'hui les hussards autrichiens ont été malmenés; les Français ne se montrent pas, par grande prudence; je compte pourtant de les voir dans peu et de vous en donner des nouvelles. Adieu, mon adorable sœur, l'unique consolation qui me reste, mon seul espoir dans l'infortune; je vous embrasse du fond de mon âme.
327. DE LA MARGRAVE DE BAIREUTH.
(10 septembre 1757.)
Mon très-cher frère,
Votre lettre et celle que vous avez écrite à Voltaire, mon cher frère, m'ont presque donné la mort. Quelles funestes résolutions, grand Dieu! Ah! mon cher frère, vous dites que vous m'aimez, et vous me plongez le poignard dans le cœur. Votre Épître, que j'ai reçue, m'a fait répandre un ruisseau de larmes.a J'ai honte à présent de tant de faiblesse. Mon malheur serait si grand, que j'y trouverai de plus dignes ressources. Votre sort décidera du mien; je ne survivrai ni à vos infortunes, ni à celles de ma maison. Vous pouvez compter que c'est ma ferme réso-
a La Margrave fait surtout allusion aux deux derniers vers de cette Épître :
Ainsi mon seul asile et mon unique port
Se trouve, chère sœur, dans les bras de la mort.