<345>pouvez croire que l'auteur de la Henriade est un honnête homme, que celui du Temple de l'Amitiéa en connaît le prix, que celui de la Philosophie de Newton est profond, que celui de vingt tragédies est connaisseur des hommes, et que celui de la Pucelle joint à l'élégance le badinage ou les saillies les plus vives et les plus brillantes que l'humeur enjouée puisse produire. Vous ferez bien, ma très-chère sœur, de profiter de l'apparition de tant de talents. J'envie bien le plaisir qu'aura Voltaire; mais je m'oublie, et il m'arriverait l'aventure de l'âne et du petit chien.b Adieu, charmante sœur; conservez-moi quelque part dans votre amitié, et soyez persuadée que personne ne peut être avec des sentiments plus distingués ni avec plus de tendresse que votre très-humble serviteur et fidèle frère, etc.
8. DE LA DUCHESSE DE BRUNSWIC.
Brunswic, 18 octobre 1743.
Mon très-cher frère,
M. de Voltaire a été ici doublement bien reçu, comme vous pouvez le croire, m'apportant une de vos chères lettres, qui me sont toujours infiniment agréables par les marques de bonté que vous me témoignez, mon très-cher frère, et qui me sont des plus précieuses. Il est vrai que vous ne m'avez pas trop dit de vérité sur le chapitre de cet honnête homme, et que je trouve en lui tout l'assemblage de mérite, de savoir et d'agréments dans son esprit. Je suis charmée de le voir pour profiter quelque chose de son esprit, en ayant fort besoin, mais craignant fort de ne point réussir. Voltaire ne jure que par vous, mon cher frère, et dit qu'il souhaiterait de pouvoir vivre et mourir à vos pieds. Il est charmé et content de toutes les grâces qu'il a reçues à Berlin. Cependant, malgré tous ses talents, il ne me pourrait point dé-
a Petit poëme de l'an 1732.
b La Fontaine, Fables, liv. IV, fable 5.