<43>page de son factum. Il est bien triste de voir quel voile obscur couvre les sciences et les beaux-arts dans ces cantons; c'est le siècle de l'ignorance, et c'est pour ses sectateurs que l'on prépare les lauriers. L'on voudrait interdire l'usage de la raison, et de là rouvrir les portes à la superstition. Il n'y a que la philosophie qui soit l'antidote des préjugés et de la crédulité populaire; ainsi il faut la renverser, et c'est là le principe qui conduit nos dévots, et qui les fait agir avec tant de chaleur contre la philosophie et contre ceux qui la professent.

Je vous rends mille grâces de ce que vous m'avez voulu envoyer la fameuse famille de musiciens qui a été chez vous, et il n'y a rien qui presse à ce sujet. Je vous prie, ma chère sœur, de faire mes hommages à votre Ermitage, et de conserver une cellule voisine de la vôtre vide, afin que mon esprit, qui vous accompagne partout, puisse y loger. Je pars demain pour ma terre, et pour ne revoir ces contrées que vers la fin de décembre. Adieu, ma très-chère sœur; j'espère de chez moi pouvoir vous assurer avec plus de prolixité de la tendre amitié avec laquelle je suis, ma très-chère sœur, etc.

43. A LA MÊME.

Potsdam, 13 septembre 1736.



Ma très-chère sœur,

Je suis charmé de ce que vous vous divertissez si bien à Baireuth, et que jusqu'aux moines vous fournissent des sujets à vous amuser. Je m'imagine que la dispute de vos deux soi-disant philosophes aura été assez impertinente : beaucoup d'ignorance d'un côté, et beaucoup d'obscurité de l'autre; qu'ils se seront disputés pour la barbe du pape, l'un sans beaucoup de raison, et l'autre par un somptueux galimatias de choses qu'il n'entend pas trop lui-même. La philosophie des moines est toujours subordonnée aux principes de leur religion, et par conséquent fort