<XIV>à la musique et au théâtre, plaisirs goûtés, soit à Rheinsberg, soit à Sans-Souci, soit à l'Ermitage, chagrins causés par les maladies de la Margrave et par les revers de la guerre de sept ans, enfin résolution prise en même temps de ne pas survivre à la ruine de la patrie. En un mot, les lettres du Roi et de sa sœur font mention de tout ce qui peut les intéresser l'un et l'autre, deux seuls points exceptés : Frédéric ne parle point de sa vie conjugale; la Margrave, de son côté, ne dit rien des chagrins que lui causait l'amour de son mari pour l'aînée des demoiselles de Marwitz. A cela près, la confiance et l'abandon sont entiers, et l'amitié la plus tendre anime cette correspondance, toujours affectueuse, sauf dans les années 1744-1746. Nous ferons voir que la Margrave ne put accuser qu'elle seule de ce refroidissement.
Les lettres de Frédéric et de sa sœur sont presque toutes autographes. Le Roi n'en a fait écrire qu'un fort petit nombre par son secrétaire, et la Margrave a écrit toutes les siennes, hormis celle du 10 mai 1707, lettre inédite, en chiffre, que cette princesse s'excuse, dans un post-scriptum de sa main,a de n'avoir pu écrire elle-même, faute de temps; elle dut également dicter les nos 342 et 346, à cause de l'état de faiblesse qui précéda sa mort. La partie de cette correspondance qui renferme les lettres de Frédéric se compose de onze volumes in-4, soigneusement reliés en veau; les lettres de la princesse, qui souvent n'ont pas de date, forment un plus grand nombre de volumes, brochés sans beaucoup de soin.
Cet immense recueil nous a prouvé une fois de plus la différence notable qui existe entre les diverses correspondances de Frédéric, particulièrement entre celles qu'il entretient avec ses amis, et les lettres qu'il échange avec sa famille. Les premières se restreignent ordinairement aux sujets les plus importants. Frédéric n'en envoie guère de pareilles que quand il a quelque chose à dire. Il écrit, au contraire, deux ou trois fois par semaine aux membres de sa famille, et, si l'on en excepte les époques où il était préoccupé des affaires militaires ou politiques, il leur parle de bagatelles, s'il n'a rien de plus intéressant à leur dire les jours de courrier. Il leur écrit donc pour écrire, et en
a « Je vous supplie, mon cher frère, dit la Margrave dans ce post-scriptum, de me pardonner si je n'écris que ce grimoire (voyez t. XXVI, 202 et 208); le temps presse. »