<XXII>princesse avait eu pour son frère une tendresse passionnée et même jalouse, et que, à partir de l'an 1746, elle le révéra et en quelque sorte l'adora comme le plus grand homme de son siècle. Tout cela bien considéré, nous n'hésitons pas à attribuer à la querelle de 1744 à 1746 les choses désobligeantes que les Mémoires de la Margrave renferment en grand nombre sur le compte du Roi. Cette querelle, la princesse l'avait amenée, comme elle l'avoue elle-même,a en mariant clandestinement la fille d'un général prussien distingué, et cela contre la volonté de celui-ci et du Roi, avec un officier du régiment impérial dont le Margrave était propriétaire;b de plus, elle laissait voir des sympathies pour l'Autriche et une prédilection marquée pour la reine de Hongrie, ce que Frédéric lui reproche amèrement dans plusieurs lettres,c comme il lui reproche sa conduite offensante envers luid et les attaques incessantes de la Gazette d'Erlangen, qui s'imprimait presque sous les yeux de la Margrave, et dans laquelle le Roi et la nation prussienne étaient tournés en ridicule pendant la seconde guerre de Silésie.e
La Margrave semble n'avoir vu que le mauvais côté des choses; elle fait, pour ainsi dire, la caricature de la société, car dans le tableau qu'elle en trace, on ne distingue aucune image calme et sereine. Ses Mémoires ne donnent pas un doux souvenir aux amis ni aux guides de son enfance. Le sort des habitants du margraviat de Baireuth, leurs sentiments pour sa maison, n'y occupent aucune place.f Sa fille même, l'éducation de cette unique enfant, ses relations avec
a Lettre à Frédéric, du 21 février 1748 : « J'ai fait le fatal mariage de la Burghauss, cause de tant de regrets. »
b Voyez ci-dessous, p. 142, et les Mémoires, t. II, p. 4, 227 et 228. Quant au régiment impérial de Baireuth, voyez 1. c, t. II, p. 156, 157 et 227.
c Voyez ci-dessous, p. 155, 157, 158, 161 et 162, nos 162, 165, 166 et 169.
d L. c, p. 149 et 150, no 152.
e L. c., p. 151 et suivantes. Pendant la guerre de sept ans, la Gazette d'Erlangen agit de même à l'égard de la Prusse, et l'éditeur en fut puni en 1769.
f En racontant à Frédéric l'incendie du château de Baireuth, la Margrave dit (ci-dessous, p. 248) : « Ce qui nous a été le plus sensible a été la mauvaise volonté des gens d'ici, qui n'ont point voulu donner de secours, et se sont cachés ou sauvés pour n'avoir point besoin de travailler. »