<XXVI>Tout ce que nous venons d'exposer montre donc, d'un côté, qu'une partie essentielle des Mémoires de la Margrave fut composée entre les années 1744 et 1746, temps où cette princesse cherchait à se distraire ainsi de ses chagrins domestiques, et où elle était aigrie contre son frère; de l'autre, qu'on ne peut, par cette dernière raison, accorder qu'une confiance limitée à un ouvrage dont l'auteur a, comme nous l'avons vu, altéré la vérité sur des faits importants.

Il existe un Éloge historique de la margrave de Baireuth (manuscrit), par le marquis d'Adhémar, grand maître de la maison de la princesse. Un exemplaire de cet ouvrage, qui appartient à présent à Sa Majesté le Roi, fut envoyé par l'auteur à Frédéric le 15 mars 1759. On y lit le passage suivant, écrit dans le sens des Mémoires, mais absolument réfuté par la correspondance : « Les circonstances où se trouva la cour de Baireuth pendant la guerre de 1742 avaient aliéné le cœur du Roi son frère. Il crut que sa sœur ne l'aimait plus. Qu'il est triste pour la tendre amitié de se croire en droit de faire des reproches! Qu'il est douloureux pour l'amitié sensible de les éprouver! Celle de Son Altesse Royale se crut outragée, parce qu'elle se trouvait innocente, et au lieu de rechercher un éclaircissement qui eût tout raccommodé, elle resta dans le silence, parce qu'elle était fière. Des esprits turbulents l'affermirent encore dans cette malheureuse idée, car ces esprits régnent dans le trouble; mais heureusement la sincère amitié a des ressources supérieures à toutes les menées des méchants. Pour être abandonnée, celle de S. A. R. était trop connue. Monseigneur le Prince de Prusse surtout lui fit toujours la justice de penser qu'elle ne pouvait manquer à ce qu'elle avait de plus cher au monde, à l'amitié et à la gloire. Madame la Margrave ne se souvenait jamais qu'avec une vive reconnaissance de toute celle qu'elle devait à ce prince. Des personnes sages, venant à l'appui d'une prévention si bien méritée, conseillèrent à S. A. R. les démarches qu'elle voulait faire; et, dans un voyage qu'elle fit à Berlin en 1747, elle eut la consolation de penser que l'on ne pouvait plus douter de son cœur. »

Il est facile de voir, en lisant la correspondance, que l'auteur de l'Éloge, qui ne vécut à la cour de Baireuth que depuis 1762, n'a pas été exactement informé des faits, ou qu'il passe à dessein sous silence toute la période de 1744 à 1746. Nous devons ajouter qu'en