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1. A LA PRINCESSE WILHELMINE.

Cüstrin, 1er novembre 1730.1_3-a



Ma très-chère sœur,

L'on va m'hérétiser après le conseil de guerre qui va se tenir à présent; car il n'en faut pas davantage pour passer pour hérésiarque que de n'être pas conforme en toutes choses au sentiment du maître. Vous pouvez donc juger sans peine de la jolie façon dont on m'accommodera. Pour moi, je ne m'embarrasse guère des anathèmes qui seront prononcés contre moi, pourvu que je sache que mon aimable sœur s'inscrive en faux là contre. Quel plaisir pour moi que ni verrous ni grilles ne peuvent m'empêcher de vous témoigner ma parfaite amitié! Oui, ma chère sœur, il se trouve encore d'honnêtes gens, dans ce siècle quasi entièrement corrompu, qui me prêtent les moyens nécessaires pour vous témoigner mes soumissions. Oui, ma chère sœur, pourvu que je sache que vous soyez heureuse, la prison me deviendra un séjour de félicité et de contentement. Chi ha tempo ha vita;1_3-b consolons-nous avec cela. Je souhaiterais du fond de mon cœur n'avoir pas besoin d'interprète pour vous parler, et que nous revissions ces heureux jours où votre principe et ma principessa se baiseront,1_4-a ou, pour parler plus net, où j'aurai le plaisir de <4>vous entretenir moi-même, et de vous assurer que rien au monde ne peut diminuer mon amitié pour vous. Adieu.



Le Prisonnier.

1_3-a Cette date a été mise à l'encre, par une main inconnue, au haut de cette lettre, que Frédéric a toute écrite au crayon. Quant au séjour du Prince royal à Cüstrin, voyez t. XXII, p. 279; t. XXV, p. 508; et J.-D.-E. Preuss, Friedrichs des Grossen Jugend und Thronbesteigung, p. 99-161.

1_3-b Voyez t. XXVI, p. 265.

1_4-a Cette lettre se trouve aussi dans les Mémoires de Frédérique-Sophie-Wilhelmine, margrave de Baireuth, Brunswic, 1810, t. I, p. 259 et 260. Au lieu des mots « se baiseront, » la Margrave a mis : « feront une douce harmonie, » et sous le texte la note suivante : « Mon frère avait donné ce titre à sa flûte, disant qu'il ne serait jamais véritablement amoureux que de cette princesse. Il en faisait souvent de jolis badinages qui nous faisaient rire. Pour y répondre, j'avais nommé mon luth prince, lui disant que c'était son rival. » Le texte de la lettre et de la note est tout à fait conforme, dans l'édition citée, à l'autographe des Mémoires de la Margrave, conservé à la Bibliothèque royale de Berlin.