65. A LA MÊME.
Berlin, 4 juillet 1739.
Ma très-chère sœur,
Le Margrave nous a surpris le plus agréablement du monde en venant d'une manière inattendue. Le Roi en a été charmé, et j'espère qu'il sera content de sa réception et de la manière dont on en agit envers lui. On lui a accordé tout ce qu'il a souhaité;1_74-b ainsi je me flatte que ce voyage du Margrave ne contribuera pas moins à votre satisfaction qu'à votre santé.
Je vous rends mille grâces de la belle pendule que vous avez <66>eu la bonté de m'envoyer. Je n'ai besoin de rien au monde pour me souvenir de vous; mon cœur me dit plus que toutes les pendules que j'ai une sœur adorable, et qui mérite d'être aimée et chérie. La longueur de votre absence m'en fait d'autant plus sentir le poids, et les attentions et bontés que vous avez pour moi sont autant de tableaux du sentiment que je vous connais et de l'excellence de votre cœur.
On a célébré hier l'anniversaire de votre heureux jour de naissance,
Ce jour où pour vous la nature
Parut épuiser ses faveurs;
Où de la vertu la plus pure
Minerve composa vos mœurs;
Où les agréments, le génie,
L'esprit et les heureux talents
Répandirent sur votre vie
Leurs plus magnifiques présents.
Ce jour, auquel je prends tant de part, m'a paru plus beau et plus serein que tous les autres; il m'a semblé que les faveurs du ciel, non contentes de vous avoir donnée à notre famille, voudraient encore distinguer ce jour avec tous les plus beaux ornements de la nature, avec un soleil brillant dont les rayons semblent aussi pénétrants que ceux de votre esprit, avec un ciel serein dont la pureté se rapporte à la pureté de votre cœur, avec un air tempéré et doux dont les influences bienfaisantes paraissent vouloir nous retracer la bonté de votre caractère et la grandeur de votre belle âme. Un cœur passionné voit tout un autre univers qu'un cœur qui n'est point sensible. Je rapporte tout à mon objet et relativement à vous, ma très-chère sœur, car j'espère que vous êtes persuadée des sentiments de tendresse, d'estime et d'attachement avec lesquels j'ai l'honneur d'être, ma très-chère sœur, etc.
1_74-b Mémoires de la Margrave, t. II, p. 282-284.