179. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH.
Berlin, 23 (sic) décembre 1746.
Ma chère sœur,
Je suis bien aise que l'étoffe que j'ai pris la liberté de vous envoyer vous ait fait plaisir; c'est l'unique but que je me suis proposé. Vous me dites des choses si obligeantes sur votre amitié qui renaît des cendres, qu'elles tirent un voile sur cet intervalle où ce beau feu paraissait éteint. Je souhaite que sa durée ne soit plus altérée par aucun intervalle fâcheux, et que la voix du sang soit plus forte en vous que les illusions d'une aveugle amitié. C'est les vœux que je fais pour ma nouvelle année; pour vous, ma chère sœur, il n'est aucun contentement, aucune prospérité que je ne vous souhaite, avec une santé assez robuste pour en jouir. Je passe ici ma vie fort doucement et fort agréablement : les spectacles, la bonne société et l'étude font entre eux le partage de ma journée. Il y a beaucoup d'étrangers ici, et il en arrive encore tous les jours. Graun a fait l'opéra de Cajo Fabricio, qui est son chef-d'œuvre. Il en fait à présent un pour le jour de naissance de la Reine douairière, qui est traduit du français; ce sont les Fêtes galantes; il y a beaucoup de chœurs, de ballets et de pompe dans ce morceau, ce qui fera un divertissement convenable pour la célébrité du jour auquel on le destine. Je vous de<152>mande pardon de vous entretenir de ces billevesées, et je finis, pour ne vous point ennuyer davantage, en vous priant de me croire avec une parfaite tendresse, ma chère sœur, etc.