206. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH.
Potsdam, 2 avril 1748.
Ma très-chère sœur,
Voilà la seconde alarme que vous me donnez. En vérité, ma chère sœur, je ne sais si c'est que vous ressortez trop tôt, ou que vous ne vous ménagez pas; mais cela me fait trembler quand j'y pense. Je vous prie, pour l'amour de tout ce qui vous est le plus précieux, de vous ménager. Je vous rends compte du médecin qui commence à me rétablir, comme vous me le demandez, plu<178>tôt pour que vous vous en serviez vous-même que pour satisfaire à l'obligation que je lui ai. Il s'appelle Cothenius;1_201-a il a été à Havelberg, et sa réputation l'a fait connaître. Je l'ai placé ici depuis qu'un médecin nommé Arend est mort. Je m'étais servi cet hiver d'Eller, et son habileté m'avait donné une espèce de fièvre lente qui me fit soupçonner qu'il m'expédierait méthodiquement. Je pensai : Autant vaut-il essayer d'un autre médecin. Je fis venir celui-ci. H y a deux mois que je suis entre ses mains; il me donne beaucoup de tisanes, et aucune médecine forte. Ma fièvre est passée, mes coliques diminuent, et je commence à reconnaître le retour de mon tempérament. Si vous avez la moindre idée que ce médecin pourrait vous soulager, je le ferai partir sur la réponse que vous me ferez. Je puis vous assurer qu'il est très-savant, qu'il est prudent, qu'il a guéri une infinité de monde, et que, s'il ne vous guérit pas, du moins n'empirera-t-il pas votre maladie.
Nous avons fêté à Berlin le jour de naissance de la Reine; l'Europe galante n'a pas aussi bien réussi que les Fêtes galantes; cependant le spectacle était beau. Hier tout le monde est accouru à notre théâtre pour y voir les intermezzo. Cricchi a paru, et a fait un compliment au public, en le faisant souvenir que c'était le 1er d'avril; c'était toute la pièce. Mais l'envie de rire me passe quand je sais que vous souffrez. Je vous demande en grâce de m'écrire si vous avez la moindre confiance en ce médecin, car je me ferai un plaisir véritable de vous l'envoyer, vous assurant, ma très-chère sœur, qu'on ne saurait être avec plus de tendresse et d'estime que je suis, etc.
1_201-a Voyez t. XIII, p. 34; t. XIX, p. 38; t. XX, p. 137; et t. XXV, p. 611.