323. A LA MÊME.
Leitmeritz, 7 juillet 1767.
Ma très-chère sœur,
Vous avez trop de bonté de vous donner tant de peine pour mes affaires. Je suis confus d'abuser si étrangement de votre indul<296>gence. Puisque, ma chère sœur, vous voulez vous charger du grand ouvrage de la paix, je vous supplie de vouloir envoyer ce M. de Mirabeau en France. Je me chargerai volontiers de sa dépense; il pourra offrir jusqu'à cinq cent mille écus à la favorite pour la paix, et il pourrait pousser ses offres beaucoup au delà, si en même temps on pouvait l'engager à nous procurer quelques avantages. Vous sentez tous les ménagements dont j'ai besoin dans cette affaire, et combien peu j'y dois paraître; le moindre vent qu'on en aurait en Angleterre pourrait tout perdre. Je crois que votre émissaire pourrait s'adresser de même à son parent qui est devenu ministre, et dont le crédit augmente de jour en jour. Enfin je m'en rapporte à vous. A qui pourrais-je mieux confier les intérêts d'un pays que je dois rendre heureux qu'à une sœur que j'adore, et qui, quoique bien plus accomplie, est un autre moi-même? J'ai déjà répondu par rapport à Reitzenstein, et je conseille au Margrave de le rendre d'abord, pour ne point être impliqué dans une affaire qui, dans les circonstances présentes, pourrait lui devenir funeste. Adieu, ma chère sœur; je vous embrasse de tout mon cœur, étant avec la plus parfaite tendresse, ma très-chère sœur, etc.