1. AU MARGRAVE CHARLES.
Carzig, 17 octobre 1739 (1731).
Monsieur mon très-cher cousin,
J'ai appris avec bien du chagrin que votre fièvre continuait toujours; mais permettez, cher prince, de vous dire qu'il y a aussi un peu de votre faute à ce que vous ne vous portez pas mieux. Vous négligez trop ce qui peut contribuer à votre guérison, et de la nature dont vous dites que votre fièvre est, l'on ne peut y prendre assez de précautions. Quoi! voudriez-vous donc que votre belle vie fût tranchée dans un âge et dans un temps qui nous promet tant pour le futur? Faudra-t-il perdre l'espérance de voir en vous un prince qui est parfaitement égal à feu son grand-père de glorieuse mémoire, et qui le surpasse par beaucoup d'endroits? Voudriez-vous me priver d'un ami sur l'amitié duquel et sur le mérite duquel je fais tant de cas? Voudriez-vous me causer le mortel chagrin de me faire pleurer à jamais votre perte, la perte de la personne du monde que j'estime le plus? Mais je vous fais tort; je sais, mon cher prince, que vous avez trop d'amitié pour moi pour ne vous pas ménager plus que vous ne faites. Vous êtes trop chrétien et trop raisonnable pour vouloir omettre aucun des moyens requis pour votre convalescence; et afin que je n'aie aussi rien à reprocher à mon amitié, permettez-moi de vous dire que je crois absolument nécessaire, dans l'état où vous êtes, que vous vous serviez d'un médecin, et même des plus habiles; un chirurgien, tout habile qu'il est, ne peut jamais si bien guérir des maladies que des médecins, et quand une fois ces fièvres dégénèrent en fièvres malignes, ces maux enracinés sont très-difficiles et toujours très-périlleux à guérir. Je suis persuadé que vous n'interpréterez pas ce conseil à mal, et que vous aurez assez